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Gestion de la peur du virus par les soignants

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Hervé Lefèvre, pédiatre à la Maison des Adolescents de Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Je suis médecin généraliste à Sainte-Marine dans le Finistère Sud et j'écoute Radio Cochin.

Honnêtement, nous n’avons pas encore vu beaucoup de COVID, mais j'ai vu beaucoup de patients, et notamment des infirmières libérales qui ont peur de leur contact avec des patients atteints. Il y avait une vraie peur de rencontrer le virus et d'en mourir.

Je ne connais pas de traitement et je sais qu'il n'y en a pas donc je ne sais pas quoi leur dire. Que me conseillez-vous ?

Réponse et discussion

DR HERVÉ LEFÈVRE : Nous sommes tous amenés à nous poser régulièrement cette question car depuis le début de l’épidémie, nous avons entendu dire beaucoup de choses qui ont par la suite été démenties. Aujourd’hui, il faut pouvoir se fonder sur des messages clairs.

Premièrement, même si ce virus peut avoir des formes extrêmement sévères très inquiétantes, il peut aussi donner des formes non sévères. C’est d’ailleurs le cas d’une grande majorité puisque nous sommes aux alentours de 80 à 85 % de formes dites non sévères. Statistiquement, il y a donc plus de probabilités d'avoir une forme non sévère qu'une forme sévère.

Deuxièmement, le confinement et les mesures barrières ont montré que la contagiosité du virus ne leur résistait pas. Il faut donc les amplifier pour limiter le risque d'infection et d'évolution fatale des 15 % restants dont l’infection est confirmée.

Le message est donc le suivant. D’une part, il faut appliquer rigoureusement les mesures barrières et le port du masque pour empêcher le virus de passer. Je pense qu’aujourd’hui, il faut être extrêmement exigeant en termes de matériel. C'est indispensable et nous en reparlerons probablement dans quelques mois. 

D’autre part, il faut respecter la distanciation sociale. 

Enfin, il faut se rassurer sur le risque de formes graves qui doivent être dépistées au plus tôt. Aujourd’hui, il existe plusieurs systèmes de surveillance par téléconsultations qui permettent d'évaluer l’état de santé des personnes atteintes pour agir précocement sur leurs symptômes et éviter d'arriver à un stade trop évolué de la maladie.

DR MALLET : D’accord. Pour récapituler, 50% des formes sont asymptomatiques, 35% sont des mauvais rhumes et effectivement 15% de patients vont nécessiter de l'oxygène et aller à l'hôpital. 

Cependant, il y a très peu de personnes qui vont décéder aujourd'hui. Nous avons identifié des facteurs de risque et ce sont surtout les personnes âgées qui sont à risque.

Si nous revenons au cas de cette infirmière qui a peur de décéder du COVID, il faut donc lui dire que d’une part, le fait qu’elle soit jeune limite son risque de faire une forme grave, et d’autre part, que si elle prend des précautions et qu’elle respecte les mesures barrières dont vous parliez, elle a un risque faible d’être contaminée. Est-ce le message que je dois faire passer ?

DR HERVÉ LEFÈVRE : Oui. A fortiori dans une région où le virus circule peu. Avec un déconfinement qui va se faire région par région, le virus n'aura pas plus de raison de circuler davantage et le risque de contamination sera donc plus faible.

Par ailleurs, le fait de pouvoir accompagner le déconfinement avec des mesures barrières extrêmement rigoureuses doit permettre de limiter, voire de rendre impossible la contamination. Sous réserve qu'il n'y ait pas d'erreur de désinfection ou d'oubli.

La prévention est le meilleur traitement vis à vis de son infection.

DR MALLET : Que me conseillez-vous de faire quand je suis en contact avec des soignants qui expriment cette angoisse ? Car il s’agit d’une situation quand même très particulière d’une maladie pour laquelle nous n’avons pas de traitement. C’est quand même très inhabituel non ?

DR HERVÉ LEFÈVRE : Moi qui ai un certain âge, nous avons déjà vu cela pour d'autres pathologies infectieuses avant de découvrir des trithérapies ou autres traitements efficaces. 

Effectivement, le côté très brutal, c’est le côté quantitatif de l'infection qui affole et donne l'impression qu'il suffit de respirer un air contaminé pour être malade. Cela rend fragile la perception que nous avons de nos journées, de nos rencontres…

Nous sommes en train de modifier considérablement nos habitudes relationnelles en ne se serrant plus la main, en n’étant plus ensemble et en communiquant uniquement par téléphone ou par visioconférence. Au niveau social, nous sommes en train de nous adapter à un nouveau concept, une nouvelle situation, comme des animaux évolués.

Par ailleurs, chacun doit gérer cela en fonction de son angoisse personnelle, de son histoire, de ce qu'il a pu vivre précédemment, de sa propre fragilité. C’est totalement compréhensible mais il faut aussi essayer de maintenir des choses rationnelles et rassurantes sur lesquelles nous pourrons construire une prévention, un soin et l'espoir de trouver une thérapeutique efficace dans les mois qui viennent.

DR MALLET : Le mieux, c’est donc de rester rationnel et scientifique.

DR HERVÉ LEFÈVRE : Oui, effectivement. Nous avons beaucoup souffert de messages contradictoires et trop médiatiques. Je pense qu'aujourd'hui, les médias tentent de nous informer mais certains ont probablement un effet anxiogène. Il faut à la fois de la transparence et de l'information mais le risque est qu'elle soit démentie par la suite.

Dans tout cela, tout ce qui peut être durable et stable et permettre de construire une base qui convient au maximum d'entre nous pour la suite, sera utile pour passer les différentes étapes que nécessitera cette infection.

Message de fin

DR MALLET : Parfait. Nous allons essayer de rester sur cela. Quel est votre dernier grand message ? Restons scientifiques ?

DR HERVÉ LEFÈVRE : Restons pragmatiques. J'aime les choses fiables, pragmatiques et qui ont fait leurs preuves, c’est-à-dire celles qui permettent de prévenir le risque d'infection dans les régions géographiques peu exposées. 

Ces régions devraient normalement maintenir un faible niveau d'exposition et donc un faible risque d'être contaminées.

Je pense que toutes ces régions qui sont aujourd'hui peu infectées – et merci pour elles – doivent être vigilantes et pragmatiques pour maintenir ce seuil d'infection et limiter le risque de développement de l'épidémie.

DR MALLET : Elles doivent prendre en compte ce qu’il s'est passé dans d'autres régions, comme la région de Strasbourg qui a été très touchée. Il faut qu'elles fassent attention.

Merci beaucoup d'être intervenu. Nous vous souhaitons bon courage et bonne chance pour la bulle de Port-Royal. Vous faites du bien aux soignants, c'est très important et cela continuera de l’être dans les semaines qui viennent. Merci encore.

DR HERVÉ LEFÈVRE : Merci à vous.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Hervé Lefèvre, pédiatre à la Maison des Adolescents de Cochin.

DR MALLET : Je suis médecin généraliste à Sainte-Marine dans le Finistère Sud et j'écoute Radio Cochin.

Honnêtement, nous n’avons pas encore vu beaucoup de COVID, mais j'ai vu beaucoup de patients, et notamment des infirmières libérales qui ont peur de leur contact avec des patients atteints. Il y avait une vraie peur de rencontrer le virus et d'en mourir.

Je ne connais pas de traitement et je sais qu'il n'y en a pas donc je ne sais pas quoi leur dire. Que me conseillez-vous ?

DR HERVÉ LEFÈVRE : Nous sommes tous amenés à nous poser régulièrement cette question car depuis le début de l’épidémie, nous avons entendu dire beaucoup de choses qui ont par la suite été démenties. Aujourd’hui, il faut pouvoir se fonder sur des messages clairs.

Premièrement, même si ce virus peut avoir des formes extrêmement sévères très inquiétantes, il peut aussi donner des formes non sévères. C’est d’ailleurs le cas d’une grande majorité puisque nous sommes aux alentours de 80 à 85 % de formes dites non sévères. Statistiquement, il y a donc plus de probabilités d'avoir une forme non sévère qu'une forme sévère.

Deuxièmement, le confinement et les mesures barrières ont montré que la contagiosité du virus ne leur résistait pas. Il faut donc les amplifier pour limiter le risque d'infection et d'évolution fatale des 15 % restants dont l’infection est confirmée.

Le message est donc le suivant. D’une part, il faut appliquer rigoureusement les mesures barrières et le port du masque pour empêcher le virus de passer. Je pense qu’aujourd’hui, il faut être extrêmement exigeant en termes de matériel. C'est indispensable et nous en reparlerons probablement dans quelques mois. 

D’autre part, il faut respecter la distanciation sociale. 

Enfin, il faut se rassurer sur le risque de formes graves qui doivent être dépistées au plus tôt. Aujourd’hui, il existe plusieurs systèmes de surveillance par téléconsultations qui permettent d'évaluer l’état de santé des personnes atteintes pour agir précocement sur leurs symptômes et éviter d'arriver à un stade trop évolué de la maladie.

DR MALLET : D’accord. Pour récapituler, 50% des formes sont asymptomatiques, 35% sont des mauvais rhumes et effectivement 15% de patients vont nécessiter de l'oxygène et aller à l'hôpital. 

Cependant, il y a très peu de personnes qui vont décéder aujourd'hui. Nous avons identifié des facteurs de risque et ce sont surtout les personnes âgées qui sont à risque.

Si nous revenons au cas de cette infirmière qui a peur de décéder du COVID, il faut donc lui dire que d’une part, le fait qu’elle soit jeune limite son risque de faire une forme grave, et d’autre part, que si elle prend des précautions et qu’elle respecte les mesures barrières dont vous parliez, elle a un risque faible d’être contaminée. Est-ce le message que je dois faire passer ?

DR HERVÉ LEFÈVRE : Oui. A fortiori dans une région où le virus circule peu. Avec un déconfinement qui va se faire région par région, le virus n'aura pas plus de raison de circuler davantage et le risque de contamination sera donc plus faible.

Par ailleurs, le fait de pouvoir accompagner le déconfinement avec des mesures barrières extrêmement rigoureuses doit permettre de limiter, voire de rendre impossible la contamination. Sous réserve qu'il n'y ait pas d'erreur de désinfection ou d'oubli.

La prévention est le meilleur traitement vis à vis de son infection.

DR MALLET : Que me conseillez-vous de faire quand je suis en contact avec des soignants qui expriment cette angoisse ? Car il s’agit d’une situation quand même très particulière d’une maladie pour laquelle nous n’avons pas de traitement. C’est quand même très inhabituel non ?

DR HERVÉ LEFÈVRE : Moi qui ai un certain âge, nous avons déjà vu cela pour d'autres pathologies infectieuses avant de découvrir des trithérapies ou autres traitements efficaces. 

Effectivement, le côté très brutal, c’est le côté quantitatif de l'infection qui affole et donne l'impression qu'il suffit de respirer un air contaminé pour être malade. Cela rend fragile la perception que nous avons de nos journées, de nos rencontres…

Nous sommes en train de modifier considérablement nos habitudes relationnelles en ne se serrant plus la main, en n’étant plus ensemble et en communiquant uniquement par téléphone ou par visioconférence. Au niveau social, nous sommes en train de nous adapter à un nouveau concept, une nouvelle situation, comme des animaux évolués.

Par ailleurs, chacun doit gérer cela en fonction de son angoisse personnelle, de son histoire, de ce qu'il a pu vivre précédemment, de sa propre fragilité. C’est totalement compréhensible mais il faut aussi essayer de maintenir des choses rationnelles et rassurantes sur lesquelles nous pourrons construire une prévention, un soin et l'espoir de trouver une thérapeutique efficace dans les mois qui viennent.

DR MALLET : Le mieux, c’est donc de rester rationnel et scientifique.

DR HERVÉ LEFÈVRE : Oui, effectivement. Nous avons beaucoup souffert de messages contradictoires et trop médiatiques. Je pense qu'aujourd'hui, les médias tentent de nous informer mais certains ont probablement un effet anxiogène. Il faut à la fois de la transparence et de l'information mais le risque est qu'elle soit démentie par la suite.

Dans tout cela, tout ce qui peut être durable et stable et permettre de construire une base qui convient au maximum d'entre nous pour la suite, sera utile pour passer les différentes étapes que nécessitera cette infection.

DR MALLET : Parfait. Nous allons essayer de rester sur cela. Quel est votre dernier grand message ? Restons scientifiques ?

DR HERVÉ LEFÈVRE : Restons pragmatiques. J'aime les choses fiables, pragmatiques et qui ont fait leurs preuves, c’est-à-dire celles qui permettent de prévenir le risque d'infection dans les régions géographiques peu exposées. 

Ces régions devraient normalement maintenir un faible niveau d'exposition et donc un faible risque d'être contaminées.

Je pense que toutes ces régions qui sont aujourd'hui peu infectées – et merci pour elles – doivent être vigilantes et pragmatiques pour maintenir ce seuil d'infection et limiter le risque de développement de l'épidémie.

DR MALLET : Elles doivent prendre en compte ce qu’il s'est passé dans d'autres régions, comme la région de Strasbourg qui a été très touchée. Il faut qu'elles fassent attention.

Merci beaucoup d'être intervenu. Nous vous souhaitons bon courage et bonne chance pour la bulle de Port-Royal. Vous faites du bien aux soignants, c'est très important et cela continuera de l’être dans les semaines qui viennent. Merci encore.

DR HERVÉ LEFÈVRE : Merci à vous.

Radio Cochin

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