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Asthénie et liens entre Covid-19 et syndromes dépressifs

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Caroline Morbieu, Cheffe de clinique dans le service de Médecine Interne de Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Je suis médecin généraliste à Saint-Jean-Pied-de-Port dans le Pays Basque.

Je vois en consultation un homme de 47 ans qui a fait un COVID-19 il y a un mois. C’est un monsieur habituellement en pleine forme, mais son COVID a été compliqué car il est resté au lit pendant 8 jours. Il est agriculteur et gère en temps normal son exploitation quasiment seul du soir au matin.

Il vient me voir ce matin parce qu’il est complètement épuisé, à tel point qu’il ne peut même plus sortir ses brebis. Je suis très embêtée car il s’est mis à pleurer devant moi : il ne peut plus assumer, il a ses charges…

À votre connaissance, l’infection par le COVID-19 est-elle associée à des formes dépressives ?

Réponse et discussion

DR CAROLINE MORBIEU : Nous avons effectivement l’impression de trouver beaucoup de syndromes anxieux et dépressifs chez les patients qui ont une infection à COVID-19. Il y a probablement des facteurs favorisants :  un contexte anxiogène, le contexte du confinement.

Nous avons l’impression aussi que chez certains patients de plus de 40 ans – d’après mon expérience –   le COVID-19 s’associe à une apathie importante et une asthénie majeure. Nous avons l’impression qu’ils ont des difficultés à se concentrer et une fatigue psychologique.

Il y a également une fatigue physique. Certains ont des myalgies et beaucoup de patients racontent cette fatigabilité : « J’avais l’impression que j’étais bien reposé à la maison puis j’ai essayé de sortir ou de faire une activité pour la première fois et j’étais en fait complètement fatigué donc j’ai dû me remettre au lit ». 

C’est un état que nous décrivent effectivement des gens en bonne santé, dont surtout des collègues du service soignant. Malgré le fait qu’ils n’ont pas de comorbidités et qu’ils ont eu une infection à COVID sans signes de gravité respiratoire, ils ont une asthénie extrêmement gênante. 

Et cela participe aussi au retentissement psychologique. Un collègue médecin généraliste a eu une infection à COVID et m’a dit qu’il était « fatigué à en pleurer ». Je pense que cela traduit bien le retentissement psychologique de cette asthénie qui dure.

Pour ce patient, il faut tout de même essayer de chercher la cause de l’asthénie, se poser la question d’une anémie et vérifier qu’il n’y ait pas de déshydratation.

DR MALLET : Il faut faire un bilan somatique ?

DR CAROLINE MORBIEU : Oui, faire un bilan somatique. Et aussi évaluer le sommeil car beaucoup de patients font des insomnies liées à un syndrome anxieux.Il est tout à fait possible que ce soit le COVID qui soit responsable de cette fatigue persistante. 

Nous n’avons pas un recul énorme sur ces infections à COVID mais nous avons des patients qui nous décrivent une asthénie intense. Même si elle s’améliore avec le temps, ces patients ne sont pas toujours pas dans leur état habituel à 4, 5 ou 6 semaines de leur infection.

DR MALLET : C’est très intéressant. Comment comprenez-vous cela ? Le virus a-t-il un tropisme cérébral ? Puisque nous parlions de troubles de la soif dans d’autres cas cliniques.

Ou alors est-ce à cause du confinement, de la situation anxiogène, du nombre de morts compté chaque jour qui nous donne l’impression que nous pouvons aussi y passer ?

DR CAROLINE MORBIEU : Je ne sais pas vraiment. Les neurologues qui s’intéressent à ces questions ont aussi constaté cette asthénie importante chez les sujets plus jeunes et des syndromes confusionnels associés à cette apathie importante chez les personnes âgées. 

Est-ce un effet propre du virus ? C’est difficile à dire mais nous avons quand même l’impression que par rapport à une pneumonie bactérienne ou une autre pathologie qui donnerait une fièvre à 39 pendant une dizaine de jours, l’asthénie est beaucoup plus importante dans le contexte d’une infection à COVID.

Je ne suis pas sûre que ce soit uniquement lié au contexte mais c’est certain qu’il y participe. En hospitalisation, nous voyons des patients avec une infection à COVID, dont le voisin qui à la même pathologie allume la TV et nous entendons alors tous, jusqu’au couloir, parler de COVID. 

C’est omniprésent et cela créé un contexte très anxiogène, d’autant plus avec les contraintes liées au confinement.

Je pense aussi qu’il est important d’évaluer l’entourage des patients COVID parce que ce sont souvent des patients plus reclus pour protéger leur entourage. Cette situation peut aussi entraîner un retentissement psychologique.

DR MALLET : Sur Radio Cochin, nous n’avions pas compris qu’il y avait une telle incidence de problèmes psychiatriques. Nous avons donc prévu de faire parler des psychiatres.

DR CAROLINE MORBIEU : Toutefois, nous n’avons finalement pas eu à introduire d’antidépresseurs pour des patients.

DR MALLET : J’allais vous poser la question. Ce n’est donc pas nécessaire ?

DR CAROLINE MORBIEU : Sauf pour des personnes qui avaient en fait un syndrome anxio-dépressif non pris en charge qui évoluait déjà avant l’infection à COVID.

Pour cet agriculteur, même si c’est compliqué dans un contexte d’activité indépendante, je pense qu’un arrêt de travail est nécessaire.

Une fois que nous avons exclu les causes somatiques, il faut être rassurant. Vous pouvez lui dire que cela va forcément s’améliorer, car c’est ce que nous voyons chez tous les patients. Même si cela peut être très lent. 

En tout cas, il faut traiter et prendre en charge l’anxiété. Peut-être également lui donner des conseils pour qu’il soit bien entouré.

Parfois, pour certains patients, le fait de leur dire que nous avons vu s’améliorer d’autres patients très fatigués les rassure, parce qu’ils ont pour certains l’impression de n’avoir jamais été aussi malades de leur vie.

DR MALLET : D’accord. Nous ne démarrons donc pas tout de suite un traitement antidépresseur.

DR CAROLINE MORBIEU : Non. Sauf dans le cas d’un terrain sous-jacent ou de signes de gravité.

Message de fin

DR MALLET : D’accord. Cela va effectivement rassurer mon patient. Voulez-vous faire passer un dernier message pour ce cas clinique ?

DR CAROLINE MORBIEU : Cet aspect d’asthénie post-COVID est extrêmement fréquent. Le fait d’avertir les patients peut contribuer à les rassurer.

DR MALLET : Cela a été déjà le cas ?

DR CAROLINE MORBIEU : Voilà.

DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage et nous n’hésiterons pas à vous rappeler si nous avons de nouvelles questions. Bonne journée et bon courage !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Caroline Morbieu, Cheffe de clinique dans le service de Médecine Interne de Cochin.

DR MALLET : Je suis médecin généraliste à Saint-Jean-Pied-de-Port dans le Pays Basque.

Je vois en consultation un homme de 47 ans qui a fait un COVID-19 il y a un mois. C’est un monsieur habituellement en pleine forme, mais son COVID a été compliqué car il est resté au lit pendant 8 jours. Il est agriculteur et gère en temps normal son exploitation quasiment seul du soir au matin.

Il vient me voir ce matin parce qu’il est complètement épuisé, à tel point qu’il ne peut même plus sortir ses brebis. Je suis très embêtée car il s’est mis à pleurer devant moi : il ne peut plus assumer, il a ses charges…

À votre connaissance, l’infection par le COVID-19 est-elle associée à des formes dépressives ?

DR CAROLINE MORBIEU : Nous avons effectivement l’impression de trouver beaucoup de syndromes anxieux et dépressifs chez les patients qui ont une infection à COVID-19. Il y a probablement des facteurs favorisants :  un contexte anxiogène, le contexte du confinement.

Nous avons l’impression aussi que chez certains patients de plus de 40 ans – d’après mon expérience –   le COVID-19 s’associe à une apathie importante et une asthénie majeure. Nous avons l’impression qu’ils ont des difficultés à se concentrer et une fatigue psychologique.

Il y a également une fatigue physique. Certains ont des myalgies et beaucoup de patients racontent cette fatigabilité : « J’avais l’impression que j’étais bien reposé à la maison puis j’ai essayé de sortir ou de faire une activité pour la première fois et j’étais en fait complètement fatigué donc j’ai dû me remettre au lit ». 

C’est un état que nous décrivent effectivement des gens en bonne santé, dont surtout des collègues du service soignant. Malgré le fait qu’ils n’ont pas de comorbidités et qu’ils ont eu une infection à COVID sans signes de gravité respiratoire, ils ont une asthénie extrêmement gênante. 

Et cela participe aussi au retentissement psychologique. Un collègue médecin généraliste a eu une infection à COVID et m’a dit qu’il était « fatigué à en pleurer ». Je pense que cela traduit bien le retentissement psychologique de cette asthénie qui dure.

Pour ce patient, il faut tout de même essayer de chercher la cause de l’asthénie, se poser la question d’une anémie et vérifier qu’il n’y ait pas de déshydratation.

DR MALLET : Il faut faire un bilan somatique ?

DR CAROLINE MORBIEU : Oui, faire un bilan somatique. Et aussi évaluer le sommeil car beaucoup de patients font des insomnies liées à un syndrome anxieux.Il est tout à fait possible que ce soit le COVID qui soit responsable de cette fatigue persistante. 

Nous n’avons pas un recul énorme sur ces infections à COVID mais nous avons des patients qui nous décrivent une asthénie intense. Même si elle s’améliore avec le temps, ces patients ne sont pas toujours pas dans leur état habituel à 4, 5 ou 6 semaines de leur infection.

DR MALLET : C’est très intéressant. Comment comprenez-vous cela ? Le virus a-t-il un tropisme cérébral ? Puisque nous parlions de troubles de la soif dans d’autres cas cliniques.

Ou alors est-ce à cause du confinement, de la situation anxiogène, du nombre de morts compté chaque jour qui nous donne l’impression que nous pouvons aussi y passer ?

DR CAROLINE MORBIEU : Je ne sais pas vraiment. Les neurologues qui s’intéressent à ces questions ont aussi constaté cette asthénie importante chez les sujets plus jeunes et des syndromes confusionnels associés à cette apathie importante chez les personnes âgées. 

Est-ce un effet propre du virus ? C’est difficile à dire mais nous avons quand même l’impression que par rapport à une pneumonie bactérienne ou une autre pathologie qui donnerait une fièvre à 39 pendant une dizaine de jours, l’asthénie est beaucoup plus importante dans le contexte d’une infection à COVID.

Je ne suis pas sûre que ce soit uniquement lié au contexte mais c’est certain qu’il y participe. En hospitalisation, nous voyons des patients avec une infection à COVID, dont le voisin qui à la même pathologie allume la TV et nous entendons alors tous, jusqu’au couloir, parler de COVID. 

C’est omniprésent et cela créé un contexte très anxiogène, d’autant plus avec les contraintes liées au confinement.

Je pense aussi qu’il est important d’évaluer l’entourage des patients COVID parce que ce sont souvent des patients plus reclus pour protéger leur entourage. Cette situation peut aussi entraîner un retentissement psychologique.

DR MALLET : Sur Radio Cochin, nous n’avions pas compris qu’il y avait une telle incidence de problèmes psychiatriques. Nous avons donc prévu de faire parler des psychiatres.

DR CAROLINE MORBIEU : Toutefois, nous n’avons finalement pas eu à introduire d’antidépresseurs pour des patients.

DR MALLET : J’allais vous poser la question. Ce n’est donc pas nécessaire ?

DR CAROLINE MORBIEU : Sauf pour des personnes qui avaient en fait un syndrome anxio-dépressif non pris en charge qui évoluait déjà avant l’infection à COVID.

Pour cet agriculteur, même si c’est compliqué dans un contexte d’activité indépendante, je pense qu’un arrêt de travail est nécessaire.

Une fois que nous avons exclu les causes somatiques, il faut être rassurant. Vous pouvez lui dire que cela va forcément s’améliorer, car c’est ce que nous voyons chez tous les patients. Même si cela peut être très lent. 

En tout cas, il faut traiter et prendre en charge l’anxiété. Peut-être également lui donner des conseils pour qu’il soit bien entouré.

Parfois, pour certains patients, le fait de leur dire que nous avons vu s’améliorer d’autres patients très fatigués les rassure, parce qu’ils ont pour certains l’impression de n’avoir jamais été aussi malades de leur vie.

DR MALLET : D’accord. Nous ne démarrons donc pas tout de suite un traitement antidépresseur.

DR CAROLINE MORBIEU : Non. Sauf dans le cas d’un terrain sous-jacent ou de signes de gravité.

DR MALLET : D’accord. Cela va effectivement rassurer mon patient. Voulez-vous faire passer un dernier message pour ce cas clinique ?

DR CAROLINE MORBIEU : Cet aspect d’asthénie post-COVID est extrêmement fréquent. Le fait d’avertir les patients peut contribuer à les rassurer.

DR MALLET : Cela a été déjà le cas ?

DR CAROLINE MORBIEU : Voilà.

DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage et nous n’hésiterons pas à vous rappeler si nous avons de nouvelles questions. Bonne journée et bon courage !

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