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Patient de 52 ans avec douleurs médiothoraciques constrictives

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Jacques Blacher, Chef du Centre de Diagnostic et de Thérapeutique de l’Hôtel-Dieu.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Je suis médecin généraliste à Étables-sur-mer dans les Côtes-d’Armor et j’écoute Radio Cochin. 

Je vois un patient de 52 ans fumeur avec de la fièvre et un syndrome respiratoire qui me fait suspecter un COVID-19. Nous avons effectivement un cluster d’infection dans notre bassin de vie. Il a des douleurs médiothoraciques constrictives et j’ai lu que le COVID est toxique pour le cœur.

Que dois-je faire ?

Réponse et discussion

PR JACQUES BLACHER : Effectivement il y a eu des cas décrits de myocardites associées au coronavirus. Cependant, chez un homme qui a passé 50 ans et qui a des douleurs constrictives, rétrosternales, médiothoraciques, le premier diagnostic est un syndrome coronaire aigu, même dans le cadre du COVID.

Nous n’avons vraiment pas le droit de passer à côté d’un syndrome coronaire aigu ou d’un infarctus chez un homme de 50 ans, surtout s’il a des facteurs de risques cardiovasculaires : trop de poids, de l’hypertension artérielle, du diabète, s’il est fumeur, s’il a des antécédents familiaux cardiovasculaires précoces. 

COVID ou non, pour ce patient qui a des douleurs dans la poitrine, rétrosternales constrictives, il faut faire sans délai des examens complémentaires pour objectiver ou éliminer un syndrome coronaire aigu. 

Au minimum, il faut faire un électrocardiogramme, un dosage d’enzymes cardiaques et notamment de troponine. Il faut donc le prendre en charge dans une structure hospitalière, COVID ou non.

DR MALLET : Je l’envoie donc à l’hôpital.

PR JACQUES BLACHER : Oui impérativement. Et même en urgence ! Nous savons bien que s’il a un syndrome coronaire aigu, le traitement optimal est la cardiologie interventionnelle : la désobstruction, l’angioplastie de l’artère coupable. 

Donc plus nous attendons avant de ramener du sang au myocarde ischémique, plus nous aurons des dégâts au niveau myocardique, plus l’infarctus va être étendu et plus il y aura des complications par la suite : insuffisance cardiaque, troubles du rythme, etc. 

Il est intéressant de voir d’ailleurs ce qu’il se passe depuis mi-mars dans les services d’urgence. Beaucoup de collègues urgentistes voient de plus en plus de patients suspects de COVID – notamment de COVID graves – avec de la toux, de la fièvre, des difficultés respiratoires, une saturation basse en oxygène, que nous prenons en hospitalisation, mais aussi tous les patients qui viennent pour autre chose. 

Ils se sont émus de voir que la quantité de ces derniers semble avoir beaucoup diminuée par rapport à l’année ou au mois précédent. À quoi cela est-il dû ? Il y a déjà beaucoup moins d’accidents de la circulation car plus de voiture et beaucoup moins d’accidents de voie publique ou domestiques. 

Il y a aussi moins de patients qui viennent pour des syndromes aigus (coronariens ou des accidents vasculaires cérébraux). Mais y a-t-il réellement moins d’infarctus, de syndromes de menace, d’AVC depuis le COVID ? Je ne le crois pas.

Lorsque nous regardons les données de Santé publique France, il semble que la fréquentation des services d’urgence en termes de douleurs thoraciques et d’accidents vasculaires cérébraux a diminuée de 30%. 

L’hypothèse est que les patients qui ont peur des complications prennent mieux leurs traitements chroniques, leurs antihypertenseurs, leur antiagrégants plaquettaires. Toutefois, je ne crois pas que cela suffise à expliquer à ce point la réduction de la fréquentation dans les services d’urgence. 

Je pense que, malheureusement, beaucoup de patients qui font des accidents vasculaires cérébraux ou qui ont un syndrome de menace ne viennent pas aux urgences de peur d’attraper le COVID. Nous le voyons avec la typologie des patients qui arrivent aux urgences.

Les patients qui arrivent aux urgences sont en effet depuis le mois de mars, plus graves que les moyennes des patients qui venaient aux urgences l’année précédente. Des formes plus graves, plus tardives et donc une mortalité qui va augmenter sur ces formes prises avec retard.

DR MALLET : C’est exactement ce qui arrive à mon patient. Il vient me consulter par peur de la fièvre mais cela fait 10 jours qu’il a mal à la poitrine. Il arrive tardivement.

PR JACQUES BLACHER : Aujourd’hui, nous regardons tous quotidiennement le nombre de morts par COVID. Cela fait peur aux patients et ne leur donne pas envie de venir à l’hôpital. 

Mais il y a 1600 morts tous les jours en France. Ce sont les statistiques sanitaires françaises avec à peu près 500 000 mots par an. Et 1600 morts par jour c’est plus de morts hors-COVID que de morts par COVID. Il faut donc faire attention aux dégâts collatéraux de cette problématique de COVID. 

Certes il y aura des morts par COVID, mais j’ai bien peur qu’il y ait aussi une surmortalité, notamment cardiovasculaire, à cause du COVID, parce que les patients vont avoir des messages discordants. 

On entend surtout : « si vous avez de la fièvre et de la toux n’allez pas à l’hôpital, restez chez vous et appelez votre médecin généraliste ». Très bien, mais si vous avez une douleur constrictive dans la poitrine ou une paralysie d’un hémicorps, allez immédiatement à l’hôpital sans tarder ! 

C’est bien plus grave d’avoir un infarctus ou un AVC que d’attraper le COVID. Il faut continuer à donner ces messages à la population. Les urgences médicales restent des urgences médicales, COVID ou non.

Message de fin

DR MALLET : C’est extrêmement clair, merci beaucoup. Voulez-vous insister sur un dernier message ?

PR JACQUES BLACHER : L’hôpital est certes pour le COVID mais aussi là pour toutes les autres maladies, notamment les maladies graves, en décompensation. 

Douleurs thoraciques = hôpital. 

Suspicion d’AVC = hôpital.

DR MALLET : Merci beaucoup ! Pour le suivi et ces informations. Bon courage.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Jacques Blacher, Chef du Centre de Diagnostic et de Thérapeutique de l’Hôtel-Dieu.

DR MALLET : Je suis médecin généraliste à Étables-sur-mer dans les Côtes-d’Armor et j’écoute Radio Cochin. 

Je vois un patient de 52 ans fumeur avec de la fièvre et un syndrome respiratoire qui me fait suspecter un COVID-19. Nous avons effectivement un cluster d’infection dans notre bassin de vie. Il a des douleurs médiothoraciques constrictives et j’ai lu que le COVID est toxique pour le cœur.

Que dois-je faire ? 

PR JACQUES BLACHER : Effectivement il y a eu des cas décrits de myocardites associées au coronavirus. Cependant, chez un homme qui a passé 50 ans et qui a des douleurs constrictives, rétrosternales, médiothoraciques, le premier diagnostic est un syndrome coronaire aigu, même dans le cadre du COVID.

Nous n’avons vraiment pas le droit de passer à côté d’un syndrome coronaire aigu ou d’un infarctus chez un homme de 50 ans, surtout s’il a des facteurs de risques cardiovasculaires : trop de poids, de l’hypertension artérielle, du diabète, s’il est fumeur, s’il a des antécédents familiaux cardiovasculaires précoces. 

COVID ou non, pour ce patient qui a des douleurs dans la poitrine, rétrosternales constrictives, il faut faire sans délai des examens complémentaires pour objectiver ou éliminer un syndrome coronaire aigu. 

Au minimum, il faut faire un électrocardiogramme, un dosage d’enzymes cardiaques et notamment de troponine. Il faut donc le prendre en charge dans une structure hospitalière, COVID ou non.

DR MALLET : Je l’envoie donc à l’hôpital.

PR JACQUES BLACHER : Oui impérativement. Et même en urgence ! Nous savons bien que s’il a un syndrome coronaire aigu, le traitement optimal est la cardiologie interventionnelle : la désobstruction, l’angioplastie de l’artère coupable. 

Donc plus nous attendons avant de ramener du sang au myocarde ischémique, plus nous aurons des dégâts au niveau myocardique, plus l’infarctus va être étendu et plus il y aura des complications par la suite : insuffisance cardiaque, troubles du rythme, etc. 

Il est intéressant de voir d’ailleurs ce qu’il se passe depuis mi-mars dans les services d’urgence. Beaucoup de collègues urgentistes voient de plus en plus de patients suspects de COVID – notamment de COVID graves – avec de la toux, de la fièvre, des difficultés respiratoires, une saturation basse en oxygène, que nous prenons en hospitalisation, mais aussi tous les patients qui viennent pour autre chose. 

Ils se sont émus de voir que la quantité de ces derniers semble avoir beaucoup diminuée par rapport à l’année ou au mois précédent. À quoi cela est-il dû ? Il y a déjà beaucoup moins d’accidents de la circulation car plus de voiture et beaucoup moins d’accidents de voie publique ou domestiques. 

Il y a aussi moins de patients qui viennent pour des syndromes aigus (coronariens ou des accidents vasculaires cérébraux). Mais y a-t-il réellement moins d’infarctus, de syndromes de menace, d’AVC depuis le COVID ? Je ne le crois pas.

Lorsque nous regardons les données de Santé publique France, il semble que la fréquentation des services d’urgence en termes de douleurs thoraciques et d’accidents vasculaires cérébraux a diminuée de 30%. 

L’hypothèse est que les patients qui ont peur des complications prennent mieux leurs traitements chroniques, leurs antihypertenseurs, leur antiagrégants plaquettaires. Toutefois, je ne crois pas que cela suffise à expliquer à ce point la réduction de la fréquentation dans les services d’urgence. 

Je pense que, malheureusement, beaucoup de patients qui font des accidents vasculaires cérébraux ou qui ont un syndrome de menace ne viennent pas aux urgences de peur d’attraper le COVID. Nous le voyons avec la typologie des patients qui arrivent aux urgences.

Les patients qui arrivent aux urgences sont en effet depuis le mois de mars, plus graves que les moyennes des patients qui venaient aux urgences l’année précédente. Des formes plus graves, plus tardives et donc une mortalité qui va augmenter sur ces formes prises avec retard.

DR MALLET : C’est exactement ce qui arrive à mon patient. Il vient me consulter par peur de la fièvre mais cela fait 10 jours qu’il a mal à la poitrine. Il arrive tardivement.

PR JACQUES BLACHER : Aujourd’hui, nous regardons tous quotidiennement le nombre de morts par COVID. Cela fait peur aux patients et ne leur donne pas envie de venir à l’hôpital. 

Mais il y a 1600 morts tous les jours en France. Ce sont les statistiques sanitaires françaises avec à peu près 500 000 mots par an. Et 1600 morts par jour c’est plus de morts hors-COVID que de morts par COVID. Il faut donc faire attention aux dégâts collatéraux de cette problématique de COVID. 

Certes il y aura des morts par COVID, mais j’ai bien peur qu’il y ait aussi une surmortalité, notamment cardiovasculaire, à cause du COVID, parce que les patients vont avoir des messages discordants. 

On entend surtout : « si vous avez de la fièvre et de la toux n’allez pas à l’hôpital, restez chez vous et appelez votre médecin généraliste ». Très bien, mais si vous avez une douleur constrictive dans la poitrine ou une paralysie d’un hémicorps, allez immédiatement à l’hôpital sans tarder ! 

C’est bien plus grave d’avoir un infarctus ou un AVC que d’attraper le COVID. Il faut continuer à donner ces messages à la population. Les urgences médicales restent des urgences médicales, COVID ou non.

DR MALLET : C’est extrêmement clair, merci beaucoup. Voulez-vous insister sur un dernier message ?

PR JACQUES BLACHER : L’hôpital est certes pour le COVID mais aussi là pour toutes les autres maladies, notamment les maladies graves, en décompensation. 

Douleurs thoraciques = hôpital. 

Suspicion d’AVC = hôpital.

DR MALLET : Merci beaucoup ! Pour le suivi et ces informations. Bon courage.

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