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Patiente de 25 ans avec acrosyndrome associé à des myalgies

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Nicolas Dupin, dermatologue à Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Professeur Nicolas Dupin, je suis médecin généraliste dans le 9e et je suis une femme de 25 ans avec un acrosyndrome très douloureux associé à des myalgies. C’est une jeune femme sans antécédent, qui n’a par ailleurs jamais vraiment été malade. 

Elle est la troisième en dix jours.

Qu’en pensez-vous ?

Réponse et discussion

PR NICOLAS DUPIN : Je répondrai en deux temps. 

Concernant cette jeune femme, d’abord. Vous me dites qu’elle n’a pas d’antécédent. Je vais quand même bien l’interroger, je vais rechercher si elle n’a pas de facteurs favorisant l’acrosyndrome, qui est quand même très classique chez les jeunes femmes. 

Je vais donc rechercher s’il y a un terrain familial, des facteurs de thrombophilies, des facteurs vasculaires, une prise de pilule, un tabagisme. 

Ensuite, je vais chercher des signes extra cutanés tels que des petites lésions purpuriques, serrées ou nécrotiques au niveau des orteils. Est-on en présence de plaques, de papules, de macules ? La peau est-elle cyanosée ? 

Dans le cas de plaques purpuriques, il s’agit d’un acrosyndrome avec également d’éventuels phénomènes vasculaires. Je lui demande alors si elle a les mains blanches – phénomène de Raynaud – ou des troubles vaso-moteurs : des facteurs favorisant l’acrosyndrome. 

La deuxième chose qui me surprend est que vous indiquez avoir eu des cas similaires et regroupés dans le temps. Cela est plutôt anormal et surprenant, surtout en ce moment avec le beau temps. En effet si l’on pense acrosyndrome, acrocyanose voire engelure, cela apparaît généralement en période de froid. 

En regardant sur internet, je vois en effet quelques cas groupés de ce type-là. Des gens se demandent si ces cas d’acrosyndromes groupés, absolument sans antécédent, observés chez des sujets jeunes, seraient potentiellement une manifestation du COVID. 

 Pour l’instant, rien ne permet de les relier de façon certaine à une manifestation que je dirais isolée de COVID ! 

Je pense qu’il est important de signaler et recenser ces cas. Il est nécessaire que les dermatologues s’organisent pour signaler leurs cas et ceux qui viendraient aussi des généralistes afin qu’ils soient mieux ou plus explorés et qu’ils puissent bénéficier d’une consultation dans un centre hospitalier général ou universitaire.  

Il faudrait également une filiarisation de ces patients pour que ceux qui ont des lésions puissent faire des biopsies afin de repérer d’éventuelles anomalies vasculaires, thrombis – obstructions des vaisseaux distaux – ou associations à des vascularites. 

Les explorer permettrait de voir si elles peuvent être une manifestation isolée du COVID. Actuellement, rien ne prouve que ce soit le cas et il faut être très prudent.

Pour aller plus loin, il faudrait pratiquer des explorations virologiques ; une DCR endonasale qui permettrait éventuellement – même s’il n’y a pas de signes pulmonaires – de détecter la présence du virus ; rechercher le virus dans les lésions cutanées – bien que les éléments montrent qu’il n’y a pas de virémie.

Un papier dans Nature récemment publié montre que chez une dizaine de patients suivis quotidiennement, le virus n’est pas présent dans le plasma ou dans le sérum. A priori, il n’y a donc pas de virémie associée à ce coronavirus. De fait, le propice cutané est quand même faible. 

Ces cas sont-ils alors immuno allergiques ? Actuellement, il n’est pas possible d’aller plus loin. Sauf peut-être savoir si la DCR peut être négative en endonasale ? Peut-être peut-on aussi faire des sérologies ? Nous n’en avons pour l’instant pas encore l’outil. 

En tout cas, nous proposons à nos correspondants de les voir assez rapidement afin que ces patients puissent bénéficier d’un examen le plus systématique possible et d’explorations virologiques pour les rapporter ou non au COVID. Pour l’instant, je pense que c’est trop précoce pour pouvoir conclure. 

DR MALLET : D’accord. Et acrosyndrome et COVID, pourquoi pas ?  

PR NICOLAS DUPIN : Pourquoi pas ? Il est vrai qu’il y a un phénomène groupé plutôt anormal. Cependant, je maintiens qu’il faut être prudent. Il y a peut-être d’autres virus en cause. Et depuis le temps que nous en voyons à l’hôpital, nous n’avons pas eu ce type de patients.  

Il s’agit peut-être de patients différents, plus précoces, plus jeunes, qui ont d’autres manifestations. 

DR MALLET : D’accord. Et vous qui suivez les littératures, COVID et cryoglobulinémie ?

 PR NICOLAS DUPIN : Pour moi, il n’y a pas encore de données suffisamment précises là-dessus.

 DR MALLET : Mais il n’y a pas de raison que le coronavirus ne donne pas de cryoglobulinémie puisque tous les virus peuvent en donner. 

PR NICOLAS DUPIN : Oui tous les virus peuvent donner des cryoglobulinémies ! Mais tous les virus ne donnent pas des acrosyndromes.  

Nous sommes donc surpris que depuis plus de trois mois d’épidémie, et même depuis novembre, cela n’ait pas été bien signalé dans la littérature, même s’il y a d’autres manifestations plus récemment connues.  

DR MALLET : Nous avons entendu parler d’un petit signal sur acrosyndrome et infection par le nouveau coronavirus, mais pour l’instant il n’y a pas de niveau de preuve. 

Dernière question. En 2002-2003 avec le premier coronavirus, y a-t-il eu des atteintes dermatologiques ? 

PR NICOLAS DUPIN : Non, d’abord il y a eu très peu de cas. Et, comme le nouveau coronavirus, il ne s’agit pas de virus qui sont cutanéotropes. Leur terrain de jeu n’est pas la peau. C’est malheureusement le poumon et cela peut se terminer très mal.

DR MALLET : Pourquoi pas donc. Mais si cela n’avait pas été le cas en 2003 il n’y a a priori pas de raison que ce le soit aujourd’hui. 

Donc sur notre cas clinique, si l’on voit des manifestations dermatologiques, il faut potentiellement chercher une autre cause. Ce syndrome chez une femme jeune, certainement bénin, peut cacher par exemple une maladie systémique ou une sclérodermie.

Il est donc intéressant de faire un bilan et de l’adresser à des experts pour vérifier qu’elle n’a rien de plus.

Message de fin

DR MALLET : C’est votre message ? 

PR NICOLAS DUPIN : Bien sûr. Le message : un acrosyndrome apparaissant chez quelqu’un qui n’a pas d’autres manifestations doit effectivement appeler à rechercher les causes classiques des acrosyndromes. 

Si vous avez plusieurs cas groupés, ma recommandation est de vous mettre en contact avec des dermatologues hospitaliers pour rechercher un éventuel lien avec une infection par le coronavirus.

DR MALLET : Professeur Dupin merci beaucoup pour ce message extrêmement clair. Nous vous souhaitons bon courage ainsi qu’à vos équipes !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Nicolas Dupin, dermatologue à Cochin. 

DR MALLET : Professeur Nicolas Dupin, je suis médecin généraliste dans le 9e et je suis une femme de 25 ans avec un acrosyndrome très douloureux associé à des myalgies. C’est une jeune femme sans antécédent, qui n’a par ailleurs jamais vraiment été malade. 

Elle est la troisième en dix jours. Qu’en pensez-vous ? 

PR NICOLAS DUPIN : Je répondrai en deux temps. 

Concernant cette jeune femme, d’abord. Vous me dites qu’elle n’a pas d’antécédent. Je vais quand même bien l’interroger, je vais rechercher si elle n’a pas de facteurs favorisant l’acrosyndrome, qui est quand même très classique chez les jeunes femmes. 

Je vais donc rechercher s’il y a un terrain familial, des facteurs de thrombophilies, des facteurs vasculaires, une prise de pilule, un tabagisme. 

Ensuite, je vais chercher des signes extra cutanés tels que des petites lésions purpuriques, serrées ou nécrotiques au niveau des orteils. Est-on en présence de plaques, de papules, de macules ? La peau est-elle cyanosée ? 

Dans le cas de plaques purpuriques, il s’agit d’un acrosyndrome avec également d’éventuels phénomènes vasculaires. Je lui demande alors si elle a les mains blanches – phénomène de Raynaud – ou des troubles vaso-moteurs : des facteurs favorisant l’acrosyndrome. 

La deuxième chose qui me surprend est que vous indiquez avoir eu des cas similaires et regroupés dans le temps. Cela est plutôt anormal et surprenant, surtout en ce moment avec le beau temps. En effet si l’on pense acrosyndrome, acrocyanose voire engelure, cela apparaît généralement en période de froid. 

En regardant sur internet, je vois en effet quelques cas groupés de ce type-là. Des gens se demandent si ces cas d’acrosyndromes groupés, absolument sans antécédent, observés chez des sujets jeunes, seraient potentiellement une manifestation du COVID. 

 Pour l’instant, rien ne permet de les relier de façon certaine à une manifestation que je dirais isolée de COVID ! 

Je pense qu’il est important de signaler et recenser ces cas. Il est nécessaire que les dermatologues s’organisent pour signaler leurs cas et ceux qui viendraient aussi des généralistes afin qu’ils soient mieux ou plus explorés et qu’ils puissent bénéficier d’une consultation dans un centre hospitalier général ou universitaire.  

Il faudrait également une filiarisation de ces patients pour que ceux qui ont des lésions puissent faire des biopsies afin de repérer d’éventuelles anomalies vasculaires, thrombis – obstructions des vaisseaux distaux – ou associations à des vascularites. 

Les explorer permettrait de voir si elles peuvent être une manifestation isolée du COVID. Actuellement, rien ne prouve que ce soit le cas et il faut être très prudent.

Pour aller plus loin, il faudrait pratiquer des explorations virologiques ; une DCR endonasale qui permettrait éventuellement – même s’il n’y a pas de signes pulmonaires – de détecter la présence du virus ; rechercher le virus dans les lésions cutanées – bien que les éléments montrent qu’il n’y a pas de virémie.

Un papier dans Nature récemment publié montre que chez une dizaine de patients suivis quotidiennement, le virus n’est pas présent dans le plasma ou dans le sérum. A priori, il n’y a donc pas de virémie associée à ce coronavirus. De fait, le propice cutané est quand même faible. 

Ces cas sont-ils alors immuno allergiques ? Actuellement, il n’est pas possible d’aller plus loin. Sauf peut-être savoir si la DCR peut être négative en endonasale ? Peut-être peut-on aussi faire des sérologies ? Nous n’en avons pour l’instant pas encore l’outil. 

En tout cas, nous proposons à nos correspondants de les voir assez rapidement afin que ces patients puissent bénéficier d’un examen le plus systématique possible et d’explorations virologiques pour les rapporter ou non au COVID. Pour l’instant, je pense que c’est trop précoce pour pouvoir conclure. 

DR MALLET : D’accord. Et acrosyndrome et COVID, pourquoi pas ?  

PR NICOLAS DUPIN : Pourquoi pas ? Il est vrai qu’il y a un phénomène groupé plutôt anormal. Cependant, je maintiens qu’il faut être prudent. Il y a peut-être d’autres virus en cause. Et depuis le temps que nous en voyons à l’hôpital, nous n’avons pas eu ce type de patients.  

Il s’agit peut-être de patients différents, plus précoces, plus jeunes, qui ont d’autres manifestations. 

DR MALLET : D’accord. Et vous qui suivez les littératures, COVID et cryoglobulinémie ?

 PR NICOLAS DUPIN : Pour moi, il n’y a pas encore de données suffisamment précises là-dessus.

 DR MALLET : Mais il n’y a pas de raison que le coronavirus ne donne pas de cryoglobulinémie puisque tous les virus peuvent en donner. 

PR NICOLAS DUPIN : Oui tous les virus peuvent donner des cryoglobulinémies ! Mais tous les virus ne donnent pas des acrosyndromes.  

Nous sommes donc surpris que depuis plus de trois mois d’épidémie, et même depuis novembre, cela n’ait pas été bien signalé dans la littérature, même s’il y a d’autres manifestations plus récemment connues.  

DR MALLET : Nous avons entendu parler d’un petit signal sur acrosyndrome et infection par le nouveau coronavirus, mais pour l’instant il n’y a pas de niveau de preuve. 

Dernière question. En 2002-2003 avec le premier coronavirus, y a-t-il eu des atteintes dermatologiques ? 

PR NICOLAS DUPIN : Non, d’abord il y a eu très peu de cas. Et, comme le nouveau coronavirus, il ne s’agit pas de virus qui sont cutanéotropes. Leur terrain de jeu n’est pas la peau. C’est malheureusement le poumon et cela peut se terminer très mal.

DR MALLET : Pourquoi pas donc. Mais si cela n’avait pas été le cas en 2003 il n’y a a priori pas de raison que ce le soit aujourd’hui. 

Donc sur notre cas clinique, si l’on voit des manifestations dermatologiques, il faut potentiellement chercher une autre cause. Ce syndrome chez une femme jeune, certainement bénin, peut cacher par exemple une maladie systémique ou une sclérodermie.

Il est donc intéressant de faire un bilan et de l’adresser à des experts pour vérifier qu’elle n’a rien de plus.

C’est votre message ? 

PR NICOLAS DUPIN : Bien sûr. Le message : un acrosyndrome apparaissant chez quelqu’un qui n’a pas d’autres manifestations doit effectivement appeler à rechercher les causes classiques des acrosyndromes. 

Si vous avez plusieurs cas groupés, ma recommandation est de vous mettre en contact avec des dermatologues hospitaliers pour rechercher un éventuel lien avec une infection par le coronavirus.

DR MALLET : Professeur Dupin merci beaucoup pour ce message extrêmement clair. Nous vous souhaitons bon courage ainsi qu’à vos équipes !

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