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Patiente de 48 ans sous lénalidomide avec neutropénie

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.  

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le ProfesseurDidier Bouscary, Chef du service d’Hématologie de Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Professeur Bouscary, je suis médecin généraliste à Ganges dans les Cévennes et j’écoute Radio Cochin. 

J’ai vu en consultation une femme de 48 ans avec un myélome multiple bien contrôlé et un traitement d’entretien par Revlimid (thalidomide). Son dernier compte-rendu indique qu’elle est hypogammaglobulinémique et qu’elle est bien vaccinée contre le pneumocoque et la grippe saisonnière.

Quand je l’ai vue, elle avait une fièvre à 38,5 et une toux sèche depuis 48 heures. Elle est atteinte d’hématose donc je lui ai fait une prise de sang qui montre une neutropénie à 800/mm3 et une CRP à 50. 

Le reste de la biologie est normal. Que me conseillez-vous ?

Réponse et discussion

PR DIDIER BOUSCARY : Il s’agit donc d’une personne qui allait plutôt bien, en bon contrôle de son myélome, qui est sous Revlimid neutropénique et qui a une hypogammaglobulinémie. J’imagine que vous craignez qu’elle déclare un COVID mais compte tenu de ce que vous décrivez – la fièvre à 38,2 avec une simple toux, sans dyspnée – elle semble bien tolérer.  

DR MALLET : Elle a des signes respiratoires mais pas de signes de gravité. Elle ne s’essouffle pas en marchant. 

PR DIDIER BOUSCARY : Oui, elle n’a pas de signe de gravité en faveur du COVID mais nous ne pouvons évidemment pas éliminer cette piste. Il faut s’en méfier. Si elle n’avait ni myélome, ni Revlimid, ni neutropénie, elle vous rappellerait demain pour vous indiquer son évolution et nous aurions la situation d’un patient X, sans antécédent particulier. 

Mais dans son cas, même si elle n’est pas en agranulocytose avec une neutropénie à 800 et un CRP à 50, elle est inflammatoire et neutropénique. Elle n’a pas moins de 500 mais a deux facteurs dont il faut se méfier. Même s’ils ne vont pas modifier la situation si elle déclare finalement un COVID.  

Elle est neutropénique, certes pas en agranulocytose mais elle a une hypogammaglobulinémie. Il faut donc rester simple. Je lui prescrirais sans me poser de question une antibiothérapie par Augmentin à commencer dès aujourd’hui. 

Nous pourrons arrêter le traitement de Revlimid si elle n’est pas en bout de cycle et que cela est faisable avec des médicaments comme l’Augmentin qui donnent des neutropénies. Cela ne me choquerait pas qu’elle arrête le Revlimid quelques jours, étant donné que vous me dites qu’elle est en très bon contrôle. 

Elle pourra contacter son hématologue référent plus tard pour qu’il lui dise d’en reprendre.  

Sinon, nous pouvons lui proposer une injection de facteurs de croissance de G-SCF de type Zarzio. Je la protégerais quand même en la mettant sous antibiothérapie et en suivant son évolution dans les jours qui suivent.  

Si la fièvre disparaît nous serons content d’avoir eu cette attitude-là. Si la fièvre augmente, persiste ou si y il a des signes, je pense qu’il faut clairement poser la question d’éliminer le COVID et la faire tester (je ne sais pas quel est le réseau proche de chez vous, à proximité de Paris).  

Si elle n’a pas le COVID nous nous poserons la question d’une fièvre persistante chez une patiente immunodéprimée donc nous revenons à des questions d’hématologie hors période de COVID. 

DR MALLET : Selon vous, ce n’est donc pas une folie d’arrêter le Revlimid devant une neutropénie ? L’hématologue référent le reprend après ? On fait une injection de facteurs de croissance. Et enfin on la surveille, la rappelle, et si les signes respiratoires persistent on l’envoie se faire tester. 

PR DIDIER BOUSCARY : Exactement. Sans oublier de la mettre sous antibiotique, sous Augmentin pendant 7 jours environ. Si elle reste fébrile et si la fièvre augmente, il faut la prendre en charge dans un centre de diagnostic et l’orienter.

Message de fin

DR MALLET : Très bien. Merci pour ce message très clair. Un dernier message pour ce cas clinique ?

PR DIDIER BOUSCARY : Tout d’abord merci pour l’appréciation du contexte de cette patient car je ne la connais pas. Dans ce cas de myélome hypogammaglobulinémique, c’est un réflexe excellent d’avoir fait une numération et d’avoir constaté sa neutropénie. 

Le COVID sera certes à évoquer mais dans un premier temps, l’urgence chez une neutropénique est la bactériémie et éventuellement le pneumocoque chez une hypogammaglobulinémique.  

Même si elle a été vaccinée, nous ne sommes jamais certains de pouvoir éliminer à 100% les risques et ce sont aussi des urgences thérapeutiques et qui répondent parfaitement bien à une antibiothérapie. 

DR MALLET : Pour l’antibiothérapie on fait comme pour une neutropénie fébrile, comme pour tout le monde ? Et on peut arrêter le Revlimid.

PR DIDIER BOUSCARY : Exactement.

DR MALLET : Professeur Bouscary merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage pendant cette situation de crise !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.  

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Didier Bouscary, Chef du service d’Hématologie de Cochin. 

DR MALLET : Professeur Bouscary, je suis médecin généraliste à Ganges dans les Cévennes et j’écoute Radio Cochin. 

J’ai vu en consultation une femme de 48 ans avec un myélome multiple bien contrôlé et un traitement d’entretien par Revlimid (thalidomide). Son dernier compte-rendu indique qu’elle est hypogammaglobulinémique et qu’elle est bien vaccinée contre le pneumocoque et la grippe saisonnière.

Quand je l’ai vue, elle avait une fièvre à 38,5 et une toux sèche depuis 48 heures. Elle est atteinte d’hématose donc je lui ai fait une prise de sang qui montre une neutropénie à 800/mm3 et une CRP à 50. 

Le reste de la biologie est normal. Que me conseillez-vous ?  

PR DIDIER BOUSCARY : Il s’agit donc d’une personne qui allait plutôt bien, en bon contrôle de son myélome, qui est sous Revlimid neutropénique et qui a une hypogammaglobulinémie. J’imagine que vous craignez qu’elle déclare un COVID mais compte tenu de ce que vous décrivez – la fièvre à 38,2 avec une simple toux, sans dyspnée – elle semble bien tolérer.  

DR MALLET : Elle a des signes respiratoires mais pas de signes de gravité. Elle ne s’essouffle pas en marchant. 

PR DIDIER BOUSCARY : Oui, elle n’a pas de signe de gravité en faveur du COVID mais nous ne pouvons évidemment pas éliminer cette piste. Il faut s’en méfier. Si elle n’avait ni myélome, ni Revlimid, ni neutropénie, elle vous rappellerait demain pour vous indiquer son évolution et nous aurions la situation d’un patient X, sans antécédent particulier. 

Mais dans son cas, même si elle n’est pas en agranulocytose avec une neutropénie à 800 et un CRP à 50, elle est inflammatoire et neutropénique. Elle n’a pas moins de 500 mais a deux facteurs dont il faut se méfier. Même s’ils ne vont pas modifier la situation si elle déclare finalement un COVID.  

Elle est neutropénique, certes pas en agranulocytose mais elle a une hypogammaglobulinémie. Il faut donc rester simple. Je lui prescrirais sans me poser de question une antibiothérapie par Augmentin à commencer dès aujourd’hui. 

Nous pourrons arrêter le traitement de Revlimid si elle n’est pas en bout de cycle et que cela est faisable avec des médicaments comme l’Augmentin qui donnent des neutropénies. Cela ne me choquerait pas qu’elle arrête le Revlimid quelques jours, étant donné que vous me dites qu’elle est en très bon contrôle. 

Elle pourra contacter son hématologue référent plus tard pour qu’il lui dise d’en reprendre.  

Sinon, nous pouvons lui proposer une injection de facteurs de croissance de G-SCF de type Zarzio. Je la protégerais quand même en la mettant sous antibiothérapie et en suivant son évolution dans les jours qui suivent.  

Si la fièvre disparaît nous serons content d’avoir eu cette attitude-là. Si la fièvre augmente, persiste ou si y il a des signes, je pense qu’il faut clairement poser la question d’éliminer le COVID et la faire tester (je ne sais pas quel est le réseau proche de chez vous, à proximité de Paris).  

Si elle n’a pas le COVID nous nous poserons la question d’une fièvre persistante chez une patiente immunodéprimée donc nous revenons à des questions d’hématologie hors période de COVID. 

DR MALLET : Selon vous, ce n’est donc pas une folie d’arrêter le Revlimid devant une neutropénie ? L’hématologue référent le reprend après ? On fait une injection de facteurs de croissance. Et enfin on la surveille, la rappelle, et si les signes respiratoires persistent on l’envoie se faire tester. 

PR DIDIER BOUSCARY : Exactement. Sans oublier de la mettre sous antibiotique, sous Augmentin pendant 7 jours environ. Si elle reste fébrile et si la fièvre augmente, il faut la prendre en charge dans un centre de diagnostic et l’orienter. 

DR MALLET : Très bien. Merci pour ce message très clair. Un dernier message pour ce cas clinique ?

PR DIDIER BOUSCARY : Tout d’abord merci pour l’appréciation du contexte de cette patient car je ne la connais pas. Dans ce cas de myélome hypogammaglobulinémique, c’est un réflexe excellent d’avoir fait une numération et d’avoir constaté sa neutropénie. 

Le COVID sera certes à évoquer mais dans un premier temps, l’urgence chez une neutropénique est la bactériémie et éventuellement le pneumocoque chez une hypogammaglobulinémique.  

Même si elle a été vaccinée, nous ne sommes jamais certains de pouvoir éliminer à 100% les risques et ce sont aussi des urgences thérapeutiques et qui répondent parfaitement bien à une antibiothérapie. 

DR MALLET : Pour l’antibiothérapie on fait comme pour une neutropénie fébrile, comme pour tout le monde ? Et on peut arrêter le Revlimid.

PR DIDIER BOUSCARY : Exactement.

DR MALLET : Professeur Bouscary merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage pendant cette situation de crise !

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