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Patiente de 67 ans diabétique, et lien entre arthrites et Covid-19

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur François Rannou, Chef du service de Médecine Physique et Réadaptation de Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Professeur Rannou, je suis médecin généraliste à Quimper dans le Finistère et j’écoute Radio Cochin. 

Je vois une patiente de 67 ans avec un gros genou douloureux et une fièvre associée à une toux. Cette personne est diabétique mais ne prend pas d’insuline. 

Elle est traitée régulièrement pour des poussées d’arthrose donc je lui donne régulièrement des anti-inflammatoires stéroïdiens féroces et des antalgiques. 

À votre connaissance, le COVID-19 peut-il donner des arthrites ?

Réponse et discussion

PR FRANÇOIS RANNOU : À notre connaissance et grâce au lien relativement étroit que nous avons avec nos collègues de Chine, il ne semble pas y avoir de tropisme articulaire du COVID. Cela n’a pas été décrit dans les phénotypes des importantes cohortes de patients chinois. 

Le seul lien qui existe avec les articulations et qui nous questionne est que selon les derniers papiers chinois, le pourcentage de patients avec des maladies ostéo-articulaires inflammatoires de type polyarthrites qui évoluent vers un COVID de forme grave est de 0. 

Nos patients sous immunosuppresseurs résistent visiblement mieux au COVID et ne font pas de formes graves. 

DR MALLET : Donc vous n’observez pas de formes graves chez les patients sous immunomodulateurs et biothérapies ?

PR FRANÇOIS RANNOU : Biothérapies et immunomodulateurs généralistes de type Méthotrexate, Arava, Plaquenil. Voilà le seul lien que nous pouvons sortir de ces premiers papiers pour l’instant. 

Nous sommes à seulement trois mois d’épidémie et nous n’avons donc pas toutes les informations. Mais celles-ci sont publiées. 

DR MALLET : C’est intéressant. J’ai quelques patients sous biothérapies pour des maladies rhumatiques inflammatoires. Je pense notamment à une patiente qui prend son injection de biothérapie toutes les semaines, qui est inquiète et qui veut l’arrêter à cause de l’épidémie.

PR FRANÇOIS RANNOU : Il ne faut justement pas arrêter. Vous aurez probablement plus de renseignements et de précisions en posant la question à la Professeure Corinne Miceli de l’hôpital Cochin.

DR MALLET : Oui nous l’avons déjà interviewée. Il est tout de même rassurant qu’il n’y ait pas de signal de danger pour les patients rhumatologiques chinois.

PR FRANÇOIS RANNOU : Exactement.

DR MALLET : A priori, pour cette patiente diabétique qui a un genou douloureux, de la fièvre et une toux, il ne s’agit pas d’une arthrite à COVID.

PR FRANÇOIS RANNOU : Non ce n’est pas une arthrite à COVID. En temps normal on penserait à une arthrite gonococcique classique – genou douloureux avec fièvre et parfois toux. 

En tout cas certaines arthrites sceptiques peuvent donner ce genre de symptômes. Dans ce cas, il faudrait ponctionner le genou pour essayer de voir s’il y a un germe, faire des hémocultures s’il faut, mais aujourd’hui, nous sommes dans un contexte tout à fait différent de pandémie. 

La première chose à faire est donc de faire tester cette patiente au SAU de Quimper pour qu’elle soit prélevée. En fonction du résultat, nous adopterons une attitude différente mais quoiqu’il arrive nous ne lui donnerons pas d’anti-inflammatoires ni de corticoïdes. 

Il y a en effet de grandes chances qu’elle soit COVID positive et qu’elle ait en plus une poussée d’arthrose.

DR MALLET : Donc je ne l’envoie pas voir mes collègues radiologues pour faire une échographie et éventuellement une ponction ?

PR FRANÇOIS RANNOU : Nous, pas d’imagerie. Cela ne sert à rien de multiplier les rendez-vous et déplacements. Il faut la faire prélever, voir si elle est COVID positive ou non. Il faut qu’elle rentre chez elle, qu’elle se surveille ainsi que sa température. Si elle a une forte dyspnée, elle doit appeler le 15. 

Si elle est COVID positive, on ne la ponctionne pas et l’on ne fait pas de gestes invasifs. La SIMS et la Société Française de Radiologie ont annoncé qu’on ne ponctionnait plus – sauf si c’est vital ou si l’on observe des conditions hyperalgiques chez un patient. Cela change donc complètement la prise en charge habituelle.

Si elle est COVID négative, c’est probablement une poussée d’arthrose associée à une rhinopharyngite classique et dans ce cas il faut juste la surveiller chez elle. Surtout ne rien faire de plus. À mon avis, l’infiltration n’est pas nécessaire. 

DR MALLET : D’accord. Pour le test elle doit donc aller aux urgences, on lui met un masque et elle se fait prélever.

PR FRANÇOIS RANNOU : Oui. Puis elle rentre chez elle.

DR MALLET : Puis, en fonction des résultats on la prend en charge pour cette probable poussée d’arthrose qui, je le rappelle, ne vous inquiète pas.

PR FRANÇOIS RANNOU : Oui. La seule chose que l’on pourrait discuter, suite à un retour de nos collègues chinois, est l’utilisation de la colchicine. Elle a des vertus inflammatoires intéressantes qu’on utilise habituellement dans la goutte et parfois dans l’arthrose. 

Certains de nos collègues chinois ont l’air de dire que la colchicine peut justement avoir un intérêt dans la modulation de l’inflammation chez les patients atteints de COVID-19. Mais cela n’est pas publié, ce ne sont pour le moment que des e-mails.

DR MALLET : Oui le niveau de preuve est extrêmement faible.

PR FRANÇOIS RANNOU : Bien évidemment. Cela dit, tous ces patients à qui nous donnons des molécules qui sont capables de limiter l’explosion inflammatoire pourraient être intéressants. Mais nous le saurons après, de façon rétrospective.

DR MALLET : Des études sont en cours. 

Pour cette patiente donc : pas d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, des antalgiques simples et on la surveille. Elle n’est pas en danger. On surveille les critères de gravité habituels.

PR FRANÇOIS RANNOU : Exactement. Si elle a une petite rhinopharyngite ou une angine, on peut lui donner des antibiotiques bien évidemment. 

Dans notre domaine la question est plutôt de savoir ce que nous ne devons pas faire ! Nous sommes obligés de changer nos modes de traitement.

Message de fin

DR MALLET : Votre message : Pas d‘AINS et l’on teste avant tout. On teste la priorité. 

On essaie également de ne pas contaminer les services de radio ou de nos autres collègues tant que la pandémie n’est pas passée.

PR FRANÇOIS RANNOU : Exactement !

DR MALLET : Professeur Rannou merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage pendant cette situation de crise !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur François Rannou, Chef du service de Médecine Physique et Réadaptation de Cochin. 

DR MALLET : Professeur Rannou, je suis médecin généraliste à Quimper dans le Finistère et j’écoute Radio Cochin. 

Je vois une patiente de 67 ans avec un gros genou douloureux et une fièvre associée à une toux. Cette personne est diabétique mais ne prend pas d’insuline. 

Elle est traitée régulièrement pour des poussées d’arthrose donc je lui donne régulièrement des anti-inflammatoires stéroïdiens féroces et des antalgiques. 

À votre connaissance, le COVID-19 peut-il donner des arthrites ? 

PR FRANÇOIS RANNOU : À notre connaissance et grâce au lien relativement étroit que nous avons avec nos collègues de Chine, il ne semble pas y avoir de tropisme articulaire du COVID. Cela n’a pas été décrit dans les phénotypes des importantes cohortes de patients chinois. 

Le seul lien qui existe avec les articulations et qui nous questionne est que selon les derniers papiers chinois, le pourcentage de patients avec des maladies ostéo-articulaires inflammatoires de type polyarthrites qui évoluent vers un COVID de forme grave est de 0. 

Nos patients sous immunosuppresseurs résistent visiblement mieux au COVID et ne font pas de formes graves. 

DR MALLET : Donc vous n’observez pas de formes graves chez les patients sous immunomodulateurs et biothérapies ?

PR FRANÇOIS RANNOU : Biothérapies et immunomodulateurs généralistes de type Méthotrexate, Arava, Plaquenil. Voilà le seul lien que nous pouvons sortir de ces premiers papiers pour l’instant. 

Nous sommes à seulement trois mois d’épidémie et nous n’avons donc pas toutes les informations. Mais celles-ci sont publiées. 

DR MALLET : C’est intéressant. J’ai quelques patients sous biothérapies pour des maladies rhumatiques inflammatoires. Je pense notamment à une patiente qui prend son injection de biothérapie toutes les semaines, qui est inquiète et qui veut l’arrêter à cause de l’épidémie.

PR FRANÇOIS RANNOU : Il ne faut justement pas arrêter. Vous aurez probablement plus de renseignements et de précisions en posant la question à la Professeure Corinne Miceli de l’hôpital Cochin.

DR MALLET : Oui nous l’avons déjà interviewée. Il est tout de même rassurant qu’il n’y ait pas de signal de danger pour les patients rhumatologiques chinois.

PR FRANÇOIS RANNOU : Exactement.

DR MALLET : A priori, pour cette patiente diabétique qui a un genou douloureux, de la fièvre et une toux, il ne s’agit pas d’une arthrite à COVID.

PR FRANÇOIS RANNOU : Non ce n’est pas une arthrite à COVID. En temps normal on penserait à une arthrite gonococcique classique – genou douloureux avec fièvre et parfois toux. 

En tout cas certaines arthrites sceptiques peuvent donner ce genre de symptômes. Dans ce cas, il faudrait ponctionner le genou pour essayer de voir s’il y a un germe, faire des hémocultures s’il faut, mais aujourd’hui, nous sommes dans un contexte tout à fait différent de pandémie. 

La première chose à faire est donc de faire tester cette patiente au SAU de Quimper pour qu’elle soit prélevée. En fonction du résultat, nous adopterons une attitude différente mais quoiqu’il arrive nous ne lui donnerons pas d’anti-inflammatoires ni de corticoïdes. 

Il y a en effet de grandes chances qu’elle soit COVID positive et qu’elle ait en plus une poussée d’arthrose.

DR MALLET : Donc je ne l’envoie pas voir mes collègues radiologues pour faire une échographie et éventuellement une ponction ?

PR FRANÇOIS RANNOU : Nous, pas d’imagerie. Cela ne sert à rien de multiplier les rendez-vous et déplacements. Il faut la faire prélever, voir si elle est COVID positive ou non. Il faut qu’elle rentre chez elle, qu’elle se surveille ainsi que sa température. Si elle a une forte dyspnée, elle doit appeler le 15. 

Si elle est COVID positive, on ne la ponctionne pas et l’on ne fait pas de gestes invasifs. La SIMS et la Société Française de Radiologie ont annoncé qu’on ne ponctionnait plus – sauf si c’est vital ou si l’on observe des conditions hyperalgiques chez un patient. Cela change donc complètement la prise en charge habituelle.

Si elle est COVID négative, c’est probablement une poussée d’arthrose associée à une rhinopharyngite classique et dans ce cas il faut juste la surveiller chez elle. Surtout ne rien faire de plus. À mon avis, l’infiltration n’est pas nécessaire. 

DR MALLET : D’accord. Pour le test elle doit donc aller aux urgences, on lui met un masque et elle se fait prélever.

PR FRANÇOIS RANNOU : Oui. Puis elle rentre chez elle.

DR MALLET : Puis, en fonction des résultats on la prend en charge pour cette probable poussée d’arthrose qui, je le rappelle, ne vous inquiète pas.

PR FRANÇOIS RANNOU : Oui. La seule chose que l’on pourrait discuter, suite à un retour de nos collègues chinois, est l’utilisation de la colchicine. Elle a des vertus inflammatoires intéressantes qu’on utilise habituellement dans la goutte et parfois dans l’arthrose. 

Certains de nos collègues chinois ont l’air de dire que la colchicine peut justement avoir un intérêt dans la modulation de l’inflammation chez les patients atteints de COVID-19. Mais cela n’est pas publié, ce ne sont pour le moment que des e-mails.

DR MALLET : Oui le niveau de preuve est extrêmement faible.

PR FRANÇOIS RANNOU : Bien évidemment. Cela dit, tous ces patients à qui nous donnons des molécules qui sont capables de limiter l’explosion inflammatoire pourraient être intéressants. Mais nous le saurons après, de façon rétrospective.

DR MALLET : Des études sont en cours. 

Pour cette patiente donc : pas d’anti-inflammatoires non stéroïdiens, des antalgiques simples et on la surveille. Elle n’est pas en danger. On surveille les critères de gravité habituels.

PR FRANÇOIS RANNOU : Exactement. Si elle a une petite rhinopharyngite ou une angine, on peut lui donner des antibiotiques bien évidemment. 

Dans notre domaine la question est plutôt de savoir ce que nous ne devons pas faire ! Nous sommes obligés de changer nos modes de traitement.

DR MALLET : Votre message : Pas d‘AINS et l’on teste avant tout. On teste la priorité. 

On essaie également de ne pas contaminer les services de radio ou de nos autres collègues tant que la pandémie n’est pas passée.

PR FRANÇOIS RANNOU : Exactement !

DR MALLET : Professeur Rannou merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage pendant cette situation de crise !

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Cas cliniques sur le Covid-19

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