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Homme de 81 ans avec diarrhée, fièvre et hypertension

INTRODUCTION

Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.

Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.

Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Luc Mouthon, Chef du Service de Médecine Interne de Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET :  Je suis médecin généraliste près de Cochin et j’ai été appelé pour un patient de 81 ans que je suis de longue date, avec un syndrome parkinsonien. Je le traite pour une hypertension essentielle.

J’ai été appelé à son chevet parce qu'il a de la fièvre et une diarrhée depuis trois jours. J'ai entendu parler de diarrhées associées aux infections à coronavirus.

Que dois-je faire ?

Réponse et discussion

PR LUC MOUTHON : Nous savons que cette infection à COVID-19 est plus grave chez les sujets âgés. Devant un syndrome fébrile chez un sujet âgé, il est donc actuellement important d'évoquer la possibilité d'une infection à COVID-19.

La présence d'une diarrhée comme celle-ci, n’oriente a priori pas vers ce type d'infections. Cependant, il est très important de bien vérifier qu'il n'y a pas de courbatures, de maux de tête ou d'autres éléments associés et en particulier, pas de toux et pas de signes respiratoires.

En fait, il arrive que chez le sujet âgé et sans que nous sachions bien pourquoi, le premier symptôme est quelque fois de la fièvre et une diarrhée, qui peut être présente avant même l'apparition des signes respiratoires.

Il est donc important de bien examiner le patient, de prendre sa fréquence respiratoire et sa saturation (si possible) et de bien l’ausculter, à la recherche de crépitants, d’un foyer auscultatoire qui orienterait vers une infection à COVID-19.

DR MALLET : En l'absence de signes respiratoires, je peux donc éliminer cette infection à COVID ?

PR LUC MOUTHON : Comme cela, je vous dirais non. Nous pouvons être dans la situation où le patient a une diarrhée fébrile et n'a absolument pas d'infection à COVID-19, mais nous pouvons aussi être dans une situation où les signes respiratoires vont apparaître dans un second temps.

Le fait que le patient ait 81 ans et un syndrome parkinsonien fait qu'il va assez mal tolérer la fièvre. Il va donc falloir être très prudent. Au moindre doute ou au moindre signe de mauvaise tolérance, il faut l’adresser aux urgences où il sera évalué.

Nous verrons s’il est admis ou non et si nous décidons sur la base des symptômes présentés de faire ou non un écouvillonnage nasopharyngé pour faire un PCR COVID ou si nous partons finalement sur une diarrhée avec de la fièvre et donc plutôt une hypothèse d’un point d’appel digestif.

DR MALLET : D'accord, le message est donc qu’il y a notamment des formes digestives d’infections à COVID chez les personnes âgées et qu’il faut savoir y penser si nous sommes appelés pour une diarrhée fébrile dans ce contexte.

Le deuxième message est que les comorbidités sont des facteurs de risque de progression pour l'infection à COVID et que les urgences des hôpitaux sont là pour évaluer et éliminer une infection potentiellement grave chez les personnes fragiles.

PR LUC MOUTHON : Par rapport au premier point, je dirais plus précisément que la diarrhée peut être, chez le sujet âgé, l’un des éléments présents au début. Elle pourrait donc faussement nous rassurer par rapport à l'absence de possibilité que ce sujet âgé ait une infection à COVID-19.

Le message que je souhaiterais faire passer, plutôt que de penser au COVID-19 devant toute diarrhée du sujet âgé, car nous savons que le virus peut être présent dans les selles, est de rester vigilant par rapport au fait que la diarrhée peut être un des signes associés aux formes débutantes.

Il y a d’ailleurs eu un certain nombre de clusters rapportés dans des centres gériatriques où les premiers signes présentés par un certain nombre de patients étaient digestifs.

DR MALLET : D'accord. Il ne faut donc pas oublier d'ausculter la personne âgée avec des signes digestifs, à la recherche de signes d'infections respiratoires. Cela peut orienter.

PR LUC MOUTHON : D'autant plus qu'il y a un syndrome fébrile et des myalgies.

DR MALLET : D’accord. Il faut donc chercher le syndrome grippal. Vous me confirmez donc que cette personne est à risque de formes graves en raison de son âge, de son syndrome parkinsonien et de son hypertension essentielle.

PR LUC MOUTHON : Oui, en sachant que malheureusement dans le contexte de cette épidémie, les éléments qui motivent le passage en réanimation médicale pour la suite de la prise en charge sont des éléments pronostics.

Donc à 81 ans et avec un syndrome parkinsonien, ce patient a actuellement une possibilité d'être pris en charge en réanimation médicale, mais ce sera beaucoup plus difficile quand nous serons au pic de l'épidémie.

Cela dit, ce n'est pas parce qu'il ne va pas en réanimation qu'il ne s'en sortira pas, mais nous aurons tendance à prendre en priorité un sujet plus jeune qui a moins de comorbidités et donc « plus de chances de s'en sortir ». Ce sont des éléments qui ne sont pas problématiques pour le moment, mais qui pourraient le devenir au moment du pic de l'épidémie.

En médecine interne, nous avons un certain nombre de patients âgés ou très âgés qui, nous le savons, ne seront pas transférés en réanimation. Nous nous occupons d’eux du mieux possible.

Par ailleurs, certains patients ont des éléments préoccupants et des signes de gravité à l'entrée mais s'améliorent spontanément, alors que nous étions potentiellement très inquiets.

L'absence de passage potentiel en réanimation est donc, bien sûr, un élément péjoratif, mais ce n’est pas définitivement une condamnation du patient à avoir une évolution péjorative. Il est possible qu'il s'améliore quand même.

DR MALLET : Oui, bien sûr, la grande majorité des patients ne relèvent que d’une oxygénothérapie.

Concernant mon patient, je l’ai examiné et n'ai pas trouvé de signes respiratoires. Il a seulement de la fièvre et de la diarrhée. En pratique, quand dois-je le revoir ?

PR LUC MOUTHON : Si le patient a 40 de fièvre et des signes de mauvaise tolérance, il va être très difficile de ne pas l'adresser aux urgences. En revanche, s'il a 38,2, qu’il n’a eu que deux selles liquides et qu'il a une bonne tolérance, nous pouvons attendre 48 heures.

Il faut cependant proposer un bilan biologique pour être sûr que le patient n'ait pas un syndrome inflammatoire marqué et proposer un examen des selles pour une recherche, par exemple, de clostridium difficile, s’il avait eu des antécédents dans les 15 derniers jours.

DR MALLET : Il peut y avoir une autre cause à cette diarrhée ?

PR LUC MOUTHON : Absolument.

DR MALLET : D'accord. Il faut donc savoir le réévaluer à 48 heures pour voir s’il ne développe pas des signes respiratoires et si la situation ne progresse pas et pourrait nous orienter vers une autre pathologie.

PR LUC MOUTHON : Exactement.

Message de fin

DR MALLET : C'est extrêmement clair. Voulez-vous ajouter quelque chose sur ce genre de patients gériatriques en particulier ?

PR LUC MOUTHON : Tout le monde le sait, mais je voudrais rappeler que le sujet âgé a une expression clinique habituellement différente de celle de l'adulte jeune.

Il faut donc se méfier des formes un peu décapitées, des formes aussi symptomatiques. Il faut vraiment bien regarder la fréquence respiratoire et bien ausculter ces patients lorsqu'ils ont le moindre décalage thermique.

En tant que praticien de santé, il faut également bien sûr se protéger au moment où nous examinons ce patient pour ne pas soi-même développer cette infection. Il faut donc porter un masque chirurgical.  

DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage car nous savons que vous êtes en première ligne. Nous vous rappellerons pendant ou après la vague si vous avez un peu de temps à nous consacrer. À bientôt.

PR LUC MOUTHON : Merci beaucoup, à bientôt.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.

Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.

Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Luc Mouthon, Chef du Service de Médecine Interne de Cochin.

DR MALLET :  Je suis médecin généraliste près de Cochin et j’ai été appelé pour un patient de 81 ans que je suis de longue date, avec un syndrome parkinsonien. Je le traite pour une hypertension essentielle.

J’ai été appelé à son chevet parce qu'il a de la fièvre et une diarrhée depuis trois jours. J'ai entendu parler de diarrhées associées aux infections à coronavirus.

Que dois-je faire ?

PR LUC MOUTHON : Nous savons que cette infection à COVID-19 est plus grave chez les sujets âgés. Devant un syndrome fébrile chez un sujet âgé, il est donc actuellement important d'évoquer la possibilité d'une infection à COVID-19.

La présence d'une diarrhée comme celle-ci, n’oriente a priori pas vers ce type d'infections. Cependant, il est très important de bien vérifier qu'il n'y a pas de courbatures, de maux de tête ou d'autres éléments associés et en particulier, pas de toux et pas de signes respiratoires.

En fait, il arrive que chez le sujet âgé et sans que nous sachions bien pourquoi, le premier symptôme est quelque fois de la fièvre et une diarrhée, qui peut être présente avant même l'apparition des signes respiratoires.

Il est donc important de bien examiner le patient, de prendre sa fréquence respiratoire et sa saturation (si possible) et de bien l’ausculter, à la recherche de crépitants, d’un foyer auscultatoire qui orienterait vers une infection à COVID-19.

DR MALLET : En l'absence de signes respiratoires, je peux donc éliminer cette infection à COVID ?

PR LUC MOUTHON : Comme cela, je vous dirais non. Nous pouvons être dans la situation où le patient a une diarrhée fébrile et n'a absolument pas d'infection à COVID-19, mais nous pouvons aussi être dans une situation où les signes respiratoires vont apparaître dans un second temps.

Le fait que le patient ait 81 ans et un syndrome parkinsonien fait qu'il va assez mal tolérer la fièvre. Il va donc falloir être très prudent. Au moindre doute ou au moindre signe de mauvaise tolérance, il faut l’adresser aux urgences où il sera évalué.

Nous verrons s’il est admis ou non et si nous décidons sur la base des symptômes présentés de faire ou non un écouvillonnage nasopharyngé pour faire un PCR COVID ou si nous partons finalement sur une diarrhée avec de la fièvre et donc plutôt une hypothèse d’un point d’appel digestif.

DR MALLET : D'accord, le message est donc qu’il y a notamment des formes digestives d’infections à COVID chez les personnes âgées et qu’il faut savoir y penser si nous sommes appelés pour une diarrhée fébrile dans ce contexte.

Le deuxième message est que les comorbidités sont des facteurs de risque de progression pour l'infection à COVID et que les urgences des hôpitaux sont là pour évaluer et éliminer une infection potentiellement grave chez les personnes fragiles.

PR LUC MOUTHON : Par rapport au premier point, je dirais plus précisément que la diarrhée peut être, chez le sujet âgé, l’un des éléments présents au début. Elle pourrait donc faussement nous rassurer par rapport à l'absence de possibilité que ce sujet âgé ait une infection à COVID-19.

Le message que je souhaiterais faire passer, plutôt que de penser au COVID-19 devant toute diarrhée du sujet âgé, car nous savons que le virus peut être présent dans les selles, est de rester vigilant par rapport au fait que la diarrhée peut être un des signes associés aux formes débutantes.

Il y a d’ailleurs eu un certain nombre de clusters rapportés dans des centres gériatriques où les premiers signes présentés par un certain nombre de patients étaient digestifs.

DR MALLET : D'accord. Il ne faut donc pas oublier d'ausculter la personne âgée avec des signes digestifs, à la recherche de signes d'infections respiratoires. Cela peut orienter.

PR LUC MOUTHON : D'autant plus qu'il y a un syndrome fébrile et des myalgies.

DR MALLET : D’accord. Il faut donc chercher le syndrome grippal. Vous me confirmez donc que cette personne est à risque de formes graves en raison de son âge, de son syndrome parkinsonien et de son hypertension essentielle.

PR LUC MOUTHON : Oui, en sachant que malheureusement dans le contexte de cette épidémie, les éléments qui motivent le passage en réanimation médicale pour la suite de la prise en charge sont des éléments pronostics.

Donc à 81 ans et avec un syndrome parkinsonien, ce patient a actuellement une possibilité d'être pris en charge en réanimation médicale, mais ce sera beaucoup plus difficile quand nous serons au pic de l'épidémie.

Cela dit, ce n'est pas parce qu'il ne va pas en réanimation qu'il ne s'en sortira pas, mais nous aurons tendance à prendre en priorité un sujet plus jeune qui a moins de comorbidités et donc « plus de chances de s'en sortir ». Ce sont des éléments qui ne sont pas problématiques pour le moment, mais qui pourraient le devenir au moment du pic de l'épidémie.

En médecine interne, nous avons un certain nombre de patients âgés ou très âgés qui, nous le savons, ne seront pas transférés en réanimation. Nous nous occupons d’eux du mieux possible.

Par ailleurs, certains patients ont des éléments préoccupants et des signes de gravité à l'entrée mais s'améliorent spontanément, alors que nous étions potentiellement très inquiets.

L'absence de passage potentiel en réanimation est donc, bien sûr, un élément péjoratif, mais ce n’est pas définitivement une condamnation du patient à avoir une évolution péjorative. Il est possible qu'il s'améliore quand même.

DR MALLET : Oui, bien sûr, la grande majorité des patients ne relèvent que d’une oxygénothérapie.

Concernant mon patient, je l’ai examiné et n'ai pas trouvé de signes respiratoires. Il a seulement de la fièvre et de la diarrhée. En pratique, quand dois-je le revoir ?

PR LUC MOUTHON : Si le patient a 40 de fièvre et des signes de mauvaise tolérance, il va être très difficile de ne pas l'adresser aux urgences. En revanche, s'il a 38,2, qu’il n’a eu que deux selles liquides et qu'il a une bonne tolérance, nous pouvons attendre 48 heures.

Il faut cependant proposer un bilan biologique pour être sûr que le patient n'ait pas un syndrome inflammatoire marqué et proposer un examen des selles pour une recherche, par exemple, de clostridium difficile, s’il avait eu des antécédents dans les 15 derniers jours.

DR MALLET : Il peut y avoir une autre cause à cette diarrhée ?

PR LUC MOUTHON : Absolument.

DR MALLET : D'accord. Il faut donc savoir le réévaluer à 48 heures pour voir s’il ne développe pas des signes respiratoires et si la situation ne progresse pas et pourrait nous orienter vers une autre pathologie.

PR LUC MOUTHON : Exactement.

DR MALLET : C'est extrêmement clair. Voulez-vous ajouter quelque chose sur ce genre de patients gériatriques en particulier ?

PR LUC MOUTHON : Tout le monde le sait, mais je voudrais rappeler que le sujet âgé a une expression clinique habituellement différente de celle de l'adulte jeune.

Il faut donc se méfier des formes un peu décapitées, des formes aussi symptomatiques. Il faut vraiment bien regarder la fréquence respiratoire et bien ausculter ces patients lorsqu'ils ont le moindre décalage thermique.

En tant que praticien de santé, il faut également bien sûr se protéger au moment où nous examinons ce patient pour ne pas soi-même développer cette infection. Il faut donc porter un masque chirurgical.  

DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage car nous savons que vous êtes en première ligne. Nous vous rappellerons pendant ou après la vague si vous avez un peu de temps à nous consacrer. À bientôt.

PR LUC MOUTHON : Merci beaucoup, à bientôt.

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