À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeure Odile Launay Cheffe du Centre de Recherche Vaccinale de Cochin.
DR MALLET : Pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre service ?
PRE ODILE LAUNAY : Je suis infectiologue mais plus spécifiquement en charge d’une structure dédiée à la recherche clinique. Avec l’arrivée de cette nouvelle épidémie, nous avons suspendu les recherches que nous avions dans d’autres domaines.
Nous venons en appui aux cliniciens et aux médecins qui sont responsables de la prise en charge des patients en mettant en place des études aujourd’hui indispensables.
Nous menons des études pour mieux comprendre les facteurs de risque de faire des formes compliquées de cette maladie et pour évaluer le plus vite possible les thérapeutiques qui permettraient de réduire la mortalité de ces patients.
DR MALLET : Nous avons entendu que l’assistance publique se mobilisait pour faire de la recherche clinique et lancer des essais cliniques partout.
Vous êtes au cœur des inclusions et de ces essais pour trouver vite une façon d’améliorer les choses.
PRE ODILE LAUNAY : Aujourd’hui, l’urgence est de réussir à identifier des médicaments qui puissent traiter ces patients.
C’est un nouveau virus pour lequel nous avons des pistes de médicaments qui se sont montrés potentiellement efficaces sur des cultures de virus in vitro mais donc, en dehors de l’homme.
Il faut maintenant étudier ces médicaments le plus rapidement possible pour identifier ceux qui permettent d’améliorer l’état de ces patients. Que ce soit pour traiter les formes hospitalisées et éviter aux patients qu’ils passent en réanimation ou pour traiter ceux qui y sont déjà et dans des états respiratoires extrêmement sévères.
Nous devons pouvoir évaluer les médicaments qui permettent de réduire la mortalité de ces patients-là.
DR MALLET : En tant qu’infectiologues, vous êtes en première ligne pendant cette crise. Vous êtes au cœur de votre spécialité. Cela a profondément modifié votre activité et vous êtes sur le pont pour combattre.
PRE ODILE LAUNAY : Nous avons en effet dédié notre équipe mais aussi fait appel à des volontaires. Ce sont des personnes très proches de notre centre, qui travaillent en recherche sur d’autres sujets à l’Institut Cochin et qui vont venir renforcer l’équipe pour inclure un maximum de personnes.
Il faut que les résultats obtenus puissent être enregistrés en temps réel. Les essais qui se mettent en place doivent permettre de donner quasiment en temps réel des informations sur l’efficacité de tels ou tels traitements et donc d’orienter les études.
Pour cela, il faut recueillir très rapidement les informations sur l’état clinique des patients mais aussi sur la sécurité de ces médicaments, c’est-à-dire vérifier s’ils sont bien tolérés.
Cela permet de définir au plus vite quels traitements marchent le mieux pour orienter ensuite les recommandations thérapeutiques. Nous sommes en effet encore très démunis sur la façon de prendre en charge ces patients, en dehors de la prise en charge appelée symptomatique, c’est-à-dire avec des antipyrétiques, des supports biologiques ou la ventilation artificielle pour les malades de réanimation.
DR MALLET : D’accord. Il faut donc faire des essais cliniques avec des groupes contrôles pour donner des médicaments et savoir si cela améliore les choses ?
PRE ODILE LAUNAY : Voilà. Pour les médecins de ville, il faut vraiment encourager les patients qui vont être hospitalisés à rentrer dans ces essais pour que l’on puisse dès que possible savoir quel est le traitement qui a le plus de chances d’être efficace.
DR MALLET : C’est très clair, merci. Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Paris dans le 6e arrondissement.
Je vois un patient de 76 ans qui est vacciné contre la grippe et le pneumocoque. Ce monsieur tousse et a de la fièvre depuis 3 jours. Je lui avais initialement donné des antibiotiques car je suspectais une pneumonie bactérienne.
Il vient aujourd’hui me voir avec une saturation au doigt à 98%. C’est le 5e patient que je vois avec une suspicion forte d’infection par ce nouveau coronavirus.
Qu’est-ce qu’il se passe ? Pouvez-vous nous expliquer ce qui nous arrive ?
PRE ODILE LAUNAY : Cela fait maintenant plusieurs semaines que nous sommes confrontés à l’arrivée de ce nouveau virus en France.
Nous en avons originellement été informés par nos collègues chinois qui avaient déclaré le 31 décembre à l’OMS être confrontés à des cas de pneumonies virales. Ils ont très rapidement mis en évidence l’agent infectieux responsable : un coronavirus.
Le coronavirus est un virus avec une enveloppe en forme de couronne qui lui donne son nom. Les coronavirus sont des virus que nous connaissons déjà et qui sont responsables pendant la période hivernale de syndromes essentiellement grippaux, peu graves, ou de rhinites.
Quand nous recherchons le coronavirus chez des gens qui ont un syndrome grippal, nous le retrouvons chez environ 5% des personnes.
Mais ce sont des coronavirus humains avec lesquels nous avons l’habitude de vivre.
DR MALLET : Donc en fait il y a du coronavirus chez nous, humains ? Nous pouvons le trouver si nous le recherchons ? Ce n’est pas nouveau ?
PRE ODILE LAUNAY : C’est cela. Il y a déjà du coronavirus connu, mais qui donne des symptomatologies qui ne sont absolument pas sévères, sauf dans quelques cas exceptionnels.
Aujourd’hui c’est complètement différent. Nous sommes devant un pathogène émergent, c’est-à-dire un nouveau virus qui nous vient de l’animal. Depuis moins de 20 ans, c’est le 3e coronavirus qui émerge.
Un premier coronavirus avait émergé en 2003 avec l’épidémie du SRAS. Elle a été très vite circonscrite car nous avons pu rapidement identifier les cas infectés et leurs contacts. De cette façon, nous avons vu reculer l’épidémie en moins de 6 mois.
DR MALLET : En 2003 nous avions donc déjà fait du confinement qui avait réussi à contenir l’épidémie ?
PRE ODILE LAUNAY : Oui, en 2003 cela avait été relativement rapide. Toutefois, ce virus était différent car moins contagieux. Nous avions donc pu très rapidement identifier les cas, identifier les contacts des cas, les confiner et de ce fait interrompre l’épidémie.
La différence réside aussi dans le fait que ce virus était moins contagieux mais beaucoup plus grave. Il avait une mortalité de 10% donc un pouvoir pathogène encore plus sévère que celui auquel nous sommes confrontés aujourd’hui.
Nous avons ensuite été confrontés à un deuxième coronavirus, le MERS-CoV, qui a émergé en Arabie Saoudite. Ce virus est heureusement beaucoup moins contagieux mais encore plus grave avec 30% de mortalité. Il continue de circuler aujourd’hui mais avec un nombre de cas très faible.
Aujourd’hui, c’est donc la troisième émergence avec un virus extrêmement contagieux. C’est un nouveau virus et c’est pourquoi nous sommes naïfs sur un plan immunitaire par rapport à lui.
DR MALLET : Cela veut-il dire que le coronavirus que nous rencontrons en période hivernale, les 5% dont nous parlions, ne nous protège pas contre le coronavirus d’aujourd’hui ?
PRE ODILE LAUNAY : Non, il n’y a aucune immunité croisée avec le coronavirus qui circule chaque hiver en même temps que la grippe.
La population est donc complètement naïve par rapport à ce virus, ce qui explique sa grande contagiosité.
Nous estimons que le R0, c’est-à-dire nombre de personnes infectées par une personne malade – qui ne se protège pas – est de 2 ou 3. Cela explique la vitesse de dissémination de ce virus et le nombre extrêmement important de cas auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.
DR MALLET : Très bien. Cela explique pourquoi j’observe tant de malades qui viennent à mon cabinet. La mesure pour diminuer le pic est donc le confinement.
Selon vous, c’est ce que l’on peut faire de mieux ?
PRE ODILE LAUNAY : Les mesures sont avant tout des mesures barrières. Il s’agit de respecter des mesures d’hygiène, en particulier le lavage de mains et le port de masque si l’on peut en avoir (car nous sommes aujourd’hui un peu démunis en matière de masques).
Le nombre de personnes infectées étant très important, le nombre de cas graves l’est aussi (et ce même si la proportion reste relativement faible). Il y a donc un nombre important de personnes qui nécessitent d’être hospitalisées ou d’aller en réanimation.
Or aujourd’hui, même avec un nombre important de lits dédiés, nous sommes très vite dépassés par le nombre de patients à prendre en charge.
C’est particulièrement le cas dans les régions où le virus a commencé à circuler plus tôt et plus rapidement : le Grand Est, les Hauts-de-France et l’Île-de-France aujourd’hui très touchée par cette épidémie.
DR MALLET : D’accord. Revenons maintenant à mon patient.
Il est vacciné contre la grippe et le pneumocoque. Il a pris des antibiotiques, a une fréquence respiratoire élevée (supérieure à 20) et une saturation à 98%.
Que me conseillez-vous ?
PRE ODILE LAUNAY : Dans les circonstances actuelles il est très probable qu’il soit infecté par ce coronavirus.
Il fait partie des personnes à risque de faire des complications donc il doit être hospitalisé.
En effet, il a plus de 70 ans et a d’autant plus de risque de faire une forme grave s’il a par ailleurs une maladie sous-jacente, en particulier cardiovasculaire, respiratoire, un diabète ou une obésité.
Ces maladies sont identifiées comme des facteurs augmentant le risque de faire des formes graves et/ou des décès. Par ailleurs, votre patient est un homme et nous savons qu’il y a une grande majorité d’hommes parmi les décès, sans explication à ce jour.
Pour ce patient vous devez donc appeler le 15 et le faire hospitaliser. Considéré comme une personne à risque, il sera testé en priorité.
Enfin, il doit être hospitalisé dans un secteur d’hospitalisation dédié à la prise en charge des personnes COVID positives.
DR MALLET : Merci. Nous avons donc compris que vous êtes en première ligne pour essayer d’améliorer les choses.
Nous retenons que le virus est très contagieux et qu’il faut appliquer des gestes barrières, la seule façon de freiner cette épidémie.
Nous retenons également que les formes graves concernent peu de personnes mais malheureusement les plus fragiles, et que c’est cela qui fait que les structures hospitalières sont aujourd’hui engorgées.
DR MALLET : Voulez-vous insister sur un dernier point, Professeure Launay ?
PRE ODILE LAUNAY : Je voudrais insister sur le fait qu’aujourd’hui nous sommes dans une situation où, compte tenu de la rapidité de diffusion du virus, le confinement est très important pour réussir à limiter les interactions entre les personnes.
Cette notion de distanciation sociale est extrêmement importante puisque moins nous rencontrons de gens, moins nous avons de risques de s’infecter ou de transmettre le virus si nous sommes infectés.
Nous savons également que les adultes jeunes, mais aussi peut-être les enfants, font des formes soit très peu symptomatiques soit asymptomatiques et qu’ils peuvent donc disséminer ce virus si nous ne respectons pas les règles de confinement mises en place par l’État.
DR MALLET : Je récapitule : distance sociale, lavage de mains et port de masque si l’on tousse.
PRE ODILE LAUNAY : Masques si l’on peut, en sachant qu’ils sont en quantité rare pour l’instant. Les masques sont essentiellement pour les soignants et les patients mais l’idéal – et j’espère que nous l’aurons dans un avenir proche – serait de pouvoir augmenter ce port de masque.
DR MALLET : Nous verrons cela bientôt ! Merci encore, nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour d’autres informations sur cette pandémie.
À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.
Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeure Odile Launay Cheffe du Centre de Recherche Vaccinale de Cochin.
DR MALLET : Pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre service ?
PRE ODILE LAUNAY : Je suis infectiologue mais plus spécifiquement en charge d’une structure dédiée à la recherche clinique. Avec l’arrivée de cette nouvelle épidémie, nous avons suspendu les recherches que nous avions dans d’autres domaines.
Nous venons en appui aux cliniciens et aux médecins qui sont responsables de la prise en charge des patients en mettant en place des études aujourd’hui indispensables.
Nous menons des études pour mieux comprendre les facteurs de risque de faire des formes compliquées de cette maladie et pour évaluer le plus vite possible les thérapeutiques qui permettraient de réduire la mortalité de ces patients.
DR MALLET : Nous avons entendu que l’assistance publique se mobilisait pour faire de la recherche clinique et lancer des essais cliniques partout.
Vous êtes au cœur des inclusions et de ces essais pour trouver vite une façon d’améliorer les choses.
PRE ODILE LAUNAY : Aujourd’hui, l’urgence est de réussir à identifier des médicaments qui puissent traiter ces patients.
C’est un nouveau virus pour lequel nous avons des pistes de médicaments qui se sont montrés potentiellement efficaces sur des cultures de virus in vitro mais donc, en dehors de l’homme.
Il faut maintenant étudier ces médicaments le plus rapidement possible pour identifier ceux qui permettent d’améliorer l’état de ces patients. Que ce soit pour traiter les formes hospitalisées et éviter aux patients qu’ils passent en réanimation ou pour traiter ceux qui y sont déjà et dans des états respiratoires extrêmement sévères.
Nous devons pouvoir évaluer les médicaments qui permettent de réduire la mortalité de ces patients-là.
DR MALLET : En tant qu’infectiologues, vous êtes en première ligne pendant cette crise. Vous êtes au cœur de votre spécialité. Cela a profondément modifié votre activité et vous êtes sur le pont pour combattre.
PRE ODILE LAUNAY : Nous avons en effet dédié notre équipe mais aussi fait appel à des volontaires. Ce sont des personnes très proches de notre centre, qui travaillent en recherche sur d’autres sujets à l’Institut Cochin et qui vont venir renforcer l’équipe pour inclure un maximum de personnes.
Il faut que les résultats obtenus puissent être enregistrés en temps réel. Les essais qui se mettent en place doivent permettre de donner quasiment en temps réel des informations sur l’efficacité de tels ou tels traitements et donc d’orienter les études.
Pour cela, il faut recueillir très rapidement les informations sur l’état clinique des patients mais aussi sur la sécurité de ces médicaments, c’est-à-dire vérifier s’ils sont bien tolérés.
Cela permet de définir au plus vite quels traitements marchent le mieux pour orienter ensuite les recommandations thérapeutiques. Nous sommes en effet encore très démunis sur la façon de prendre en charge ces patients, en dehors de la prise en charge appelée symptomatique, c’est-à-dire avec des antipyrétiques, des supports biologiques ou la ventilation artificielle pour les malades de réanimation.
DR MALLET : D’accord. Il faut donc faire des essais cliniques avec des groupes contrôles pour donner des médicaments et savoir si cela améliore les choses ?
PRE ODILE LAUNAY : Voilà. Pour les médecins de ville, il faut vraiment encourager les patients qui vont être hospitalisés à rentrer dans ces essais pour que l’on puisse dès que possible savoir quel est le traitement qui a le plus de chances d’être efficace.
DR MALLET : C’est très clair, merci. Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Paris dans le 6e arrondissement.
Je vois un patient de 76 ans qui est vacciné contre la grippe et le pneumocoque. Ce monsieur tousse et a de la fièvre depuis 3 jours. Je lui avais initialement donné des antibiotiques car je suspectais une pneumonie bactérienne.
Il vient aujourd’hui me voir avec une saturation au doigt à 98%. C’est le 5e patient que je vois avec une suspicion forte d’infection par ce nouveau coronavirus.
Qu’est-ce qu’il se passe ? Pouvez-vous nous expliquer ce qui nous arrive ?
PRE ODILE LAUNAY : Cela fait maintenant plusieurs semaines que nous sommes confrontés à l’arrivée de ce nouveau virus en France.
Nous en avons originellement été informés par nos collègues chinois qui avaient déclaré le 31 décembre à l’OMS être confrontés à des cas de pneumonies virales. Ils ont très rapidement mis en évidence l’agent infectieux responsable : un coronavirus.
Le coronavirus est un virus avec une enveloppe en forme de couronne qui lui donne son nom. Les coronavirus sont des virus que nous connaissons déjà et qui sont responsables pendant la période hivernale de syndromes essentiellement grippaux, peu graves, ou de rhinites.
Quand nous recherchons le coronavirus chez des gens qui ont un syndrome grippal, nous le retrouvons chez environ 5% des personnes.
Mais ce sont des coronavirus humains avec lesquels nous avons l’habitude de vivre.
DR MALLET : Donc en fait il y a du coronavirus chez nous, humains ? Nous pouvons le trouver si nous le recherchons ? Ce n’est pas nouveau ?
PRE ODILE LAUNAY : C’est cela. Il y a déjà du coronavirus connu, mais qui donne des symptomatologies qui ne sont absolument pas sévères, sauf dans quelques cas exceptionnels.
Aujourd’hui c’est complètement différent. Nous sommes devant un pathogène émergent, c’est-à-dire un nouveau virus qui nous vient de l’animal. Depuis moins de 20 ans, c’est le 3e coronavirus qui émerge.
Un premier coronavirus avait émergé en 2003 avec l’épidémie du SRAS. Elle a été très vite circonscrite car nous avons pu rapidement identifier les cas infectés et leurs contacts. De cette façon, nous avons vu reculer l’épidémie en moins de 6 mois.
DR MALLET : En 2003 nous avions donc déjà fait du confinement qui avait réussi à contenir l’épidémie ?
PRE ODILE LAUNAY : Oui, en 2003 cela avait été relativement rapide. Toutefois, ce virus était différent car moins contagieux. Nous avions donc pu très rapidement identifier les cas, identifier les contacts des cas, les confiner et de ce fait interrompre l’épidémie.
La différence réside aussi dans le fait que ce virus était moins contagieux mais beaucoup plus grave. Il avait une mortalité de 10% donc un pouvoir pathogène encore plus sévère que celui auquel nous sommes confrontés aujourd’hui.
Nous avons ensuite été confrontés à un deuxième coronavirus, le MERS-CoV, qui a émergé en Arabie Saoudite. Ce virus est heureusement beaucoup moins contagieux mais encore plus grave avec 30% de mortalité. Il continue de circuler aujourd’hui mais avec un nombre de cas très faible.
Aujourd’hui, c’est donc la troisième émergence avec un virus extrêmement contagieux. C’est un nouveau virus et c’est pourquoi nous sommes naïfs sur un plan immunitaire par rapport à lui.
DR MALLET : Cela veut-il dire que le coronavirus que nous rencontrons en période hivernale, les 5% dont nous parlions, ne nous protège pas contre le coronavirus d’aujourd’hui ?
PRE ODILE LAUNAY : Non, il n’y a aucune immunité croisée avec le coronavirus qui circule chaque hiver en même temps que la grippe.
La population est donc complètement naïve par rapport à ce virus, ce qui explique sa grande contagiosité.
Nous estimons que le R0, c’est-à-dire nombre de personnes infectées par une personne malade – qui ne se protège pas – est de 2 ou 3. Cela explique la vitesse de dissémination de ce virus et le nombre extrêmement important de cas auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés.
DR MALLET : Très bien. Cela explique pourquoi j’observe tant de malades qui viennent à mon cabinet. La mesure pour diminuer le pic est donc le confinement.
Selon vous, c’est ce que l’on peut faire de mieux ?
PRE ODILE LAUNAY : Les mesures sont avant tout des mesures barrières. Il s’agit de respecter des mesures d’hygiène, en particulier le lavage de mains et le port de masque si l’on peut en avoir (car nous sommes aujourd’hui un peu démunis en matière de masques).
Le nombre de personnes infectées étant très important, le nombre de cas graves l’est aussi (et ce même si la proportion reste relativement faible). Il y a donc un nombre important de personnes qui nécessitent d’être hospitalisées ou d’aller en réanimation.
Or aujourd’hui, même avec un nombre important de lits dédiés, nous sommes très vite dépassés par le nombre de patients à prendre en charge.
C’est particulièrement le cas dans les régions où le virus a commencé à circuler plus tôt et plus rapidement : le Grand Est, les Hauts-de-France et l’Île-de-France aujourd’hui très touchée par cette épidémie.
DR MALLET : D’accord. Revenons maintenant à mon patient.
Il est vacciné contre la grippe et le pneumocoque. Il a pris des antibiotiques, a une fréquence respiratoire élevée (supérieure à 20) et une saturation à 98%.
Que me conseillez-vous ?
PRE ODILE LAUNAY : Dans les circonstances actuelles il est très probable qu’il soit infecté par ce coronavirus.
Il fait partie des personnes à risque de faire des complications donc il doit être hospitalisé.
En effet, il a plus de 70 ans et a d’autant plus de risque de faire une forme grave s’il a par ailleurs une maladie sous-jacente, en particulier cardiovasculaire, respiratoire, un diabète ou une obésité.
Ces maladies sont identifiées comme des facteurs augmentant le risque de faire des formes graves et/ou des décès. Par ailleurs, votre patient est un homme et nous savons qu’il y a une grande majorité d’hommes parmi les décès, sans explication à ce jour.
Pour ce patient vous devez donc appeler le 15 et le faire hospitaliser. Considéré comme une personne à risque, il sera testé en priorité.
Enfin, il doit être hospitalisé dans un secteur d’hospitalisation dédié à la prise en charge des personnes COVID positives.
DR MALLET : Merci. Nous avons donc compris que vous êtes en première ligne pour essayer d’améliorer les choses.
Nous retenons que le virus est très contagieux et qu’il faut appliquer des gestes barrières, la seule façon de freiner cette épidémie.
Nous retenons également que les formes graves concernent peu de personnes mais malheureusement les plus fragiles, et que c’est cela qui fait que les structures hospitalières sont aujourd’hui engorgées.
Voulez-vous insister sur un dernier point, Professeure Launay ?
PRE ODILE LAUNAY : Je voudrais insister sur le fait qu’aujourd’hui nous sommes dans une situation où, compte tenu de la rapidité de diffusion du virus, le confinement est très important pour réussir à limiter les interactions entre les personnes.
Cette notion de distanciation sociale est extrêmement importante puisque moins nous rencontrons de gens, moins nous avons de risques de s’infecter ou de transmettre le virus si nous sommes infectés.
Nous savons également que les adultes jeunes, mais aussi peut-être les enfants, font des formes soit très peu symptomatiques soit asymptomatiques et qu’ils peuvent donc disséminer ce virus si nous ne respectons pas les règles de confinement mises en place par l’État.
DR MALLET : Je récapitule : distance sociale, lavage de mains et port de masque si l’on tousse.
PRE ODILE LAUNAY : Masques si l’on peut, en sachant qu’ils sont en quantité rare pour l’instant. Les masques sont essentiellement pour les soignants et les patients mais l’idéal – et j’espère que nous l’aurons dans un avenir proche – serait de pouvoir augmenter ce port de masque.
DR MALLET : Nous verrons cela bientôt ! Merci encore, nous n’hésiterons pas à vous rappeler pour d’autres informations sur cette pandémie.
Radio Cochin est une série de cas cliniques audio créés pour les soignants de ville, par des experts de toutes spécialités médicales, pour renforcer la collaboration ville-hôpital face au coronavirus.