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Patient de 70 ans avec risque d’infarctus et suspicion de Covid

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Denis Duboc, Chef du Service de Cardiologie à Cochin.

Retour d'expérience

DR MALLET : Professeur Duboc, pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre service ? 

PR DENIS DUBOC : Paradoxalement, nous observons une baisse d’activité. 

En premier lieu parce que tous nos patients programmés pour des explorations qui peuvent être différées l’ont été. 

En second lieu parce qu’il semble y avoir moins de pathologies cardiovasculaires apparentes. 

Nous avons toutes les raisons de penser que le COVID, comme pendant les épidémies de grippe, est un facteur de décompensation de cardiopathie. Nous connaissons bien son rôle extrêmement thrombogène. 

En pratique, nous maintenons notre activité pour les patients urgents. Nous faisons toujours les désocclusions coronaires en urgence. 

Depuis le début de la semaine par exemple, nous avons eu 4 infarctus du myocarde arrivés par des canaux différents. Soit par le SAU (Service d’Accueil des Urgences), soit par le SAMU qui continue de nous en envoyer.

Nous accueillons aussi les patients âgés avec des insuffisances cardiaques ou les patients avec des œdèmes pulmonaires. 

Nous prenons bien entendu beaucoup de précautions pour nous mettre le plus possible à l’abri de ce virus car nous sommes une unité dite « COVID – » et nous essayons de le rester et de continuer à travailler pour les urgences. 

Quand il y a des besoins à l’intérieur de notre hôpital, nous sommes toujours en l’état d’intervenir. De ce côté-là, nous avons une continuité des soins assurée et satisfaisante pour les patients que nous appelons COVID négatifs et cardiaques.

Il y a quand même quelques petits soucis car nous avons eu du personnel qui a été déclaré porteur. Le bilan n’est pas catastrophique mais nous avons deux infirmières et un médecin qui sont porteurs et en éviction totale du service.

DR MALLET : Comme tout l’hôpital, vous êtes donc sur le pied de guerre car confrontés au problème épidémique. Et vous assurez les urgences.

Nous attendons avec impatience les tests sérologiques qui vont normalement arriver sous 8-10 jours à Cochin pour pouvoir tester des personnes. 

Cette épidémie a donc profondément modifié votre activité. Tout le service s’est réorganisé ? 

PR DENIS DUBOC : Le service s’est réorganisé. 

Pour essayer d’alléger les soins critiques, nous nous sommes engagés à prendre un certain nombre de patients COVID négatifs qui sortent de soins critiques et qui ont encore besoin d’une post-réanimation un peu lourde. Nous leur assurons des soins post-opératoires, ce qui libère une unité de soins intensifs post-chirurgicale.

DR MALLET : D’accord. Selon votre expérience, à comparer grippe et ce que nous connaissons du coronavirus, nous pourrions nous attendre à plus d’évènements thrombotiques ? Êtes-vous armés en ce sens ?

PR DENIS DUBOC : Oui. Nous sommes armés. Nous savons déjà qu’il existe un risque avéré de thrombogène veineux. Pour la grippe, nous savons qu’il y a une augmentation du taux de ruptures de plaques coronaires et donc de risques de thromboses artérielles. 

Nous pensons que ce sera pareil pour les artères. Cependant, cela ne se ressent pas encore dans notre activité. Nous avons une activité coronaire aiguë comparable à une situation habituelle.

DR MALLET : Pour l’instant, le niveau de preuve est faible mais votre expérience et ce que nous pouvons lire dans la littérature peut y faire penser.

PR DENIS DUBOC : Nous sommes inquiets de l’engorgement en amont des urgences SAMU et nous avons peur que certains patients meurent avant d’arriver à l’hôpital. 

Par ailleurs, nous avons beaucoup moins d’arrêts cardiaques extrahospitaliers, ce que j’explique assez difficilement. Peut-être que le confinement joue car les gens sortent moins et ne font plus d’efforts excessifs qui les mèneraient à un arrêt. Pour le reste, je ne vois pas de grandes différences.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : D’accord. Voici la question d’un médecin généraliste dans le 18e.

Je vois un homme de 57 ans qui se plaint d’une douleur dans la poitrine depuis 3 ans. Cette douleur progresse et survient maintenant lors d’efforts peu importants. Cet homme sort seulement pour acheter son pain et quand il rentre chez lui et monte ses deux étages, il sent des oppressions thoraciques. 

Il me dit que son père a fait un infarctus à l’âge de 70 ans. De plus, il tousse et a de la fièvre depuis une semaine. 

Il a peut-être une infection par coronavirus. Que me conseillez-vous ?

Réponse et discussion

PR DENIS DUBOC : Il y a très clairement un doute légitime sur les deux pathologies. 

Dans le premier cas, un angor instable qui risque de mener à l’infarctus. Il faut s’affranchir de cette problématique car c’est clair. 

Dans le second, un probable risque d’infection par le coronavirus. 

Pour ce patient, il faut donc faire une coronarographie dans les plus brefs délais. Nous sommes prêts à assumer cette prestation en prenant les précautions liées à la suspicion légitime de COVID+. Si nous observons une rupture de plaques justifiant la mise en place d’une endoprothèse coronaire sur la coronarographie faite en urgence, nous pourrons lui mettre un stent.

En pratique, il y a deux alternatives pour ce patient.

Soit vous appelez le 15 pour qu’ils nous le transfèrent en précisant que nous avons un accord de principe pour accueillir ce malade. Nous pourrons alors si nécessaire passer par l’USIC pour faire les examens complémentaires habituels : le CG et la troponine si nous hésitons sur le diagnostic d’angor instable. 

Soit, d’après ce que vous décrivez, nous irons directement et rapidement à la coronarographie en prenant les précautions nécessaires pour éviter une potentielle contamination du personnel. 

Cependant, je ne peux pas vous dire encore si nous le garderons en USIC ou dans une unité de soins critiques COVID+. Cela dépendra de la disponibilité de ces structures.

DR MALLET : Il va donc être testé, il aura son écouvillon en arrivant et il ira directement en salle de cathétérisme.

PR DENIS DUBOC : Voilà exactement. Cela conditionnera sa surveillance post- cathétérisme. 

DR MALLET : En consultation, me conseillez-vous de lui donner une dose de charge d’aspirine ? Faut-il en donner malgré son action anti-inflammatoire ? 

PR DENIS DUBOC : Non, ce n’est pas nécessaire. Nous avons maintenant des antiagrégants que nous pouvons administrer en salle de cathétérisme, le Cangrelor notamment. Si c’est nécessaire, nous y ajouterons la dose de charge d’aspirine.

Ceci étant, je ne crois pas que l’effet anti-inflammatoire de l’aspirine soit suffisant pour favoriser la diffusion d’une infection à coronavirus, à la dose où elle va être donnée ultérieurement dans le suivi du patient. Ceci étant, cela peut être débattu.

DR MALLET : Ce patient doit donc aller dans un service de cardiologie rapidement. Pour cela, il faut appeler le 15. Ils sont équipés pour les cas de COVID + ou –. 

Ce patient ira directement en salle de cathétérisme et le médecin de garde (il y a une garde de cardiologie à Cochin 24h/24) définira s’il va d’abord aller en salle ou en salle de cathétérisme.

PR DENIS DUBOC : Exactement.

Message de fin

DR MALLET : Très bien. Merci beaucoup Professeur Duboc. Voulez-vous faire passer un dernier message pour nos collègues de ville ?

PR DENIS DUBOC : En cette période troublée, ne méconnaissons pas toutes les autres urgences qui ne sont pas COVID+ et notamment les urgences coronaires. Car en cas de court-circuitions d’un infarctus, ce sont les premières heures qui comptent pour la désocclusion.

DR MALLET : Merci beaucoup pour ce message très clair et bon courage ! 

PR DENIS DUBOC : Merci et vous aussi !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Denis Duboc, Chef du Service de Cardiologie à Cochin.

DR MALLET : Professeur Duboc, pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre service ? 

PR DENIS DUBOC : Paradoxalement, nous observons une baisse d’activité. 

En premier lieu parce que tous nos patients programmés pour des explorations qui peuvent être différées l’ont été. 

En second lieu parce qu’il semble y avoir moins de pathologies cardiovasculaires apparentes. 

Nous avons toutes les raisons de penser que le COVID, comme pendant les épidémies de grippe, est un facteur de décompensation de cardiopathie. Nous connaissons bien son rôle extrêmement thrombogène. 

En pratique, nous maintenons notre activité pour les patients urgents. Nous faisons toujours les désocclusions coronaires en urgence. 

Depuis le début de la semaine par exemple, nous avons eu 4 infarctus du myocarde arrivés par des canaux différents. Soit par le SAU (Service d’Accueil des Urgences), soit par le SAMU qui continue de nous en envoyer.

Nous accueillons aussi les patients âgés avec des insuffisances cardiaques ou les patients avec des œdèmes pulmonaires. 

Nous prenons bien entendu beaucoup de précautions pour nous mettre le plus possible à l’abri de ce virus car nous sommes une unité dite « COVID – » et nous essayons de le rester et de continuer à travailler pour les urgences. 

Quand il y a des besoins à l’intérieur de notre hôpital, nous sommes toujours en l’état d’intervenir. De ce côté-là, nous avons une continuité des soins assurée et satisfaisante pour les patients que nous appelons COVID négatifs et cardiaques.

Il y a quand même quelques petits soucis car nous avons eu du personnel qui a été déclaré porteur. Le bilan n’est pas catastrophique mais nous avons deux infirmières et un médecin qui sont porteurs et en éviction totale du service.

DR MALLET : Comme tout l’hôpital, vous êtes donc sur le pied de guerre car confrontés au problème épidémique. Et vous assurez les urgences.

Nous attendons avec impatience les tests sérologiques qui vont normalement arriver sous 8-10 jours à Cochin pour pouvoir tester des personnes. 

Cette épidémie a donc profondément modifié votre activité. Tout le service s’est réorganisé ? 

PR DENIS DUBOC : Le service s’est réorganisé. 

Pour essayer d’alléger les soins critiques, nous nous sommes engagés à prendre un certain nombre de patients COVID négatifs qui sortent de soins critiques et qui ont encore besoin d’une post-réanimation un peu lourde. Nous leur assurons des soins post-opératoires, ce qui libère une unité de soins intensifs post-chirurgicale.

DR MALLET : D’accord. Selon votre expérience, à comparer grippe et ce que nous connaissons du coronavirus, nous pourrions nous attendre à plus d’évènements thrombotiques ? Êtes-vous armés en ce sens ?

PR DENIS DUBOC : Oui. Nous sommes armés. Nous savons déjà qu’il existe un risque avéré de thrombogène veineux. Pour la grippe, nous savons qu’il y a une augmentation du taux de ruptures de plaques coronaires et donc de risques de thromboses artérielles. 

Nous pensons que ce sera pareil pour les artères. Cependant, cela ne se ressent pas encore dans notre activité. Nous avons une activité coronaire aiguë comparable à une situation habituelle.

DR MALLET : Pour l’instant, le niveau de preuve est faible mais votre expérience et ce que nous pouvons lire dans la littérature peut y faire penser.

PR DENIS DUBOC : Nous sommes inquiets de l’engorgement en amont des urgences SAMU et nous avons peur que certains patients meurent avant d’arriver à l’hôpital. 

Par ailleurs, nous avons beaucoup moins d’arrêts cardiaques extrahospitaliers, ce que j’explique assez difficilement. Peut-être que le confinement joue car les gens sortent moins et ne font plus d’efforts excessifs qui les mèneraient à un arrêt. Pour le reste, je ne vois pas de grandes différences.

DR MALLET : D’accord. Voici la question d’un médecin généraliste dans le 18e.

Je vois un homme de 57 ans qui se plaint d’une douleur dans la poitrine depuis 3 ans. Cette douleur progresse et survient maintenant lors d’efforts peu importants. Cet homme sort seulement pour acheter son pain et quand il rentre chez lui et monte ses deux étages, il sent des oppressions thoraciques. 

Il me dit que son père a fait un infarctus à l’âge de 70 ans. De plus, il tousse et a de la fièvre depuis une semaine. 

Il a peut-être une infection par coronavirus. Que me conseillez-vous ? 

PR DENIS DUBOC : Il y a très clairement un doute légitime sur les deux pathologies. 

Dans le premier cas, un angor instable qui risque de mener à l’infarctus. Il faut s’affranchir de cette problématique car c’est clair. 

Dans le second, un probable risque d’infection par le coronavirus. 

Pour ce patient, il faut donc faire une coronarographie dans les plus brefs délais. Nous sommes prêts à assumer cette prestation en prenant les précautions liées à la suspicion légitime de COVID+. Si nous observons une rupture de plaques justifiant la mise en place d’une endoprothèse coronaire sur la coronarographie faite en urgence, nous pourrons lui mettre un stent.

En pratique, il y a deux alternatives pour ce patient.

Soit vous appelez le 15 pour qu’ils nous le transfèrent en précisant que nous avons un accord de principe pour accueillir ce malade. Nous pourrons alors si nécessaire passer par l’USIC pour faire les examens complémentaires habituels : le CG et la troponine si nous hésitons sur le diagnostic d’angor instable. 

Soit, d’après ce que vous décrivez, nous irons directement et rapidement à la coronarographie en prenant les précautions nécessaires pour éviter une potentielle contamination du personnel. 

Cependant, je ne peux pas vous dire encore si nous le garderons en USIC ou dans une unité de soins critiques COVID+. Cela dépendra de la disponibilité de ces structures.

DR MALLET : Il va donc être testé, il aura son écouvillon en arrivant et il ira directement en salle de cathétérisme.

PR DENIS DUBOC : Voilà exactement. Cela conditionnera sa surveillance post- cathétérisme. 

DR MALLET : En consultation, me conseillez-vous de lui donner une dose de charge d’aspirine ? Faut-il en donner malgré son action anti-inflammatoire ? 

PR DENIS DUBOC : Non, ce n’est pas nécessaire. Nous avons maintenant des antiagrégants que nous pouvons administrer en salle de cathétérisme, le Cangrelor notamment. Si c’est nécessaire, nous y ajouterons la dose de charge d’aspirine.

Ceci étant, je ne crois pas que l’effet anti-inflammatoire de l’aspirine soit suffisant pour favoriser la diffusion d’une infection à coronavirus, à la dose où elle va être donnée ultérieurement dans le suivi du patient. Ceci étant, cela peut être débattu.

DR MALLET : Ce patient doit donc aller dans un service de cardiologie rapidement. Pour cela, il faut appeler le 15. Ils sont équipés pour les cas de COVID + ou –. 

Ce patient ira directement en salle de cathétérisme et le médecin de garde (il y a une garde de cardiologie à Cochin 24h/24) définira s’il va d’abord aller en salle ou en salle de cathétérisme.

PR DENIS DUBOC : Exactement.

DR MALLET : Très bien. Merci beaucoup Professeur Duboc. Voulez-vous faire passer un dernier message pour nos collègues de ville ?

PR DENIS DUBOC : En cette période troublée, ne méconnaissons pas toutes les autres urgences qui ne sont pas COVID+ et notamment les urgences coronaires. Car en cas de court-circuitions d’un infarctus, ce sont les premières heures qui comptent pour la désocclusion.

DR MALLET : Merci beaucoup pour ce message très clair et bon courage ! 

PR DENIS DUBOC : Merci et vous aussi ! 

 


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