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Patiente de 46 ans sous Hydrocortisone avec syndrome grippal modéré

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Guillaume Assié, endocrinologue à Cochin.

Retour d'expérience

DR MALLET : Professeur Assié, pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre service ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Dans notre service, le mot d’ordre a été de mettre toutes les ressources médicales et paramédicales possibles à disposition des patients COVID.

Nous avons fermé une grande partie de notre activité. L’hôpital de jour est fermé. Les consultations ont été basculées vers des téléconsultations et notre unité d’hospitalisation de 16 lits a été vidée autant que possible de toutes les hospitalisations non urgentes programmées.

Seuls les patients urgents et graves qui ont une pathologie interférente aiguë restent. Pour le moment, cela représente un taux d’occupation de 2/3 dans notre structure.

Il est aussi important de dire que notre structure est censée rester COVID-free dans la stratégie de notre hôpital. À ce titre, un patient qui arrive avec une suspicion de COVID est prélevé dans le service et en cas de positivité va être transféré dans une autre partie de l’hôpital.

Voilà notre organisation actuelle : un travail surtout en téléconsultations.

DR MALLET : Vous êtes donc sanctuarisés COVID-free ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : C’est cela, autant que possible pour le moment, même si cela peut encore changer.

DR MALLET : En quoi cette situation a-t-elle modifié votre activité ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Nous sommes réquisitionnés et réquisitionnables. Un certain nombre de mes collègues sont déjà réaffectés sur des unités COVID+. Je suis moi-même inscrit sur les listes de garde et d’astreintes et je vais donc être appelé vraisemblablement dans les jours qui viennent.

La nouveauté pour nous est l’utilisation des outils de téléconsultation. Ce qui peut prêter à sourire est que nous avons auparavant essayé de mettre en place ces outils, mais avec un succès mitigé car ce n’était jamais une préoccupation prioritaire. Finalement, c’est cette crise qui a précipité l’avènement de ces outils car nous devons faire de nombreuses téléconsultations.

Cela dit, nous les faisons dans un cadre qui n’est pas forcément idéal car nos outils ne sont pas tous opérationnels et nous n’y sommes pas habitués, ce qui peut être déstabilisant. Cependant, nous donnons évidemment la priorité à la continuité des soins car au-delà du COVID, les patients continuent d’être malades et d’avoir des pathologies pour lesquelles nous travaillons au quotidien en dehors de cette épidémie exceptionnelle.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Voici la question d’un médecin généraliste à Meudon (92).

J’ai été appelé par une femme de 46 ans traitée par hydrocortisones au long court pour une insuffisance surrénale lente. Actuellement, cette personne respecte strictement les règles de confinement et me demande si elle doit arrêter son hydrocortisone compte tenu de ce que nous avons entendu à la radio.

Que me conseillez-vous ?

Réponse et discussion

PR GUILLAUME ASSIÉ : Je rappelle que l’insuffisance surrénale regroupe deux situations : les déficits centraux appelés aussi déficits corticotropes et les déficits périphériques comme la maladie d’Addison.

Dans ces deux situations, le traitement de base de l’insuffisance surrénale est la supplémentation en hydrocortisone qui est un glucocorticoïde.  

Nous avons beaucoup entendu parler d’un effet potentiellement délétère des corticothérapies dans le cadre des COVID-19.

Mais attention, message extrêmement important : cela ne concerne pas les traitements substitutifs. Les doses de substitution en hydrocortisone ne sont pas anti-inflammatoires. Il ne faut surtout pas arrêter l’hydrocortisone.

DR MALLET : À faible dose, il n’y a donc pas d’effet anti-inflammatoire et donc pas de risque d’aggravation d’une éventuelle infection par le COVID-19.

PR GUILLAUME ASSIÉ : Voilà. Arrêter la supplémentation, c’est prendre le risque d’une décompensation de l’insuffisance surrénale.

Cela signifie un malaise ou des complications pour le patient et une prise en charge en urgence pour le système de santé, ce qui n’est certainement pas souhaitable dans la période actuelle. Nous n’avons pas besoin de patients supplémentaires.

DR MALLET : Ce qui me gêne est que cette patiente tousse un peu. Elle a eu un syndrome grippal il y a 2/3 jours relativement modéré et bien toléré. Mais, dans ce contexte-là, je ne sais pas quoi faire.

J’avais retenu qu’il fallait augmenter les doses d’hydrocortisone chez les insuffisants rénaux. Mais comme elle est relativement asymptomatique je ne sais pas quoi faire.

PR GUILLAUME ASSIÉ : Si la patiente a un syndrome grippal, de la fièvre, elle doit augmenter son hydrocortisone. Il lui faut une charge en hydrocortisone parce que la fatigue liée à l’infection virale est une situation de stress pour l’organisme qui nécessite l’augmentation ponctuelle des doses d’hydrocortisone dans le but de prévenir l’insuffisance surrénale aiguë.

Si la patiente a un état général satisfaisant, une charge orale suffit. Il n’y a pas besoin que cette charge soit prolongée. Elle peut être arrêtée au bout de 2/3 jours avant de repasser à la dose de supplémentation de base.

 DR MALLET : Les patients avec une insuffisance surrénale ne sont donc pas plus à risque que les autres patients avec des formes plus graves, à partir du moment où ils sont supplémentés par une hydrocortisone à faible dose.

PR GUILLAUME ASSIÉ : Il n’y a pas de documentation là-dessus, et nous n’avons pas de preuve ni d’alerte à ce sujet. Mais il est certain en revanche que l’arrêt de l’hydrocortisone, chez un patient qui présente une insuffisance surrénale, va induire une décompensation trop importante pouvant entraîner des complications chez ce patient. Celui-ci devra alors être pris en charge médicalement ce qui entraînera par conséquent une surcharge du système de soins déjà accablé par la situation exceptionnelle qu’engendre le COVID-19.

DR MALLET : Je retiens qu’en raison de son syndrome grippal je n’hésite pas à faire une charge en hydrocortisone. Quel schéma me conseillez-vous ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Pour une charge orale il n’y a pas de schéma précis et universel. La plupart des patients ont eu des cours d’éducation thérapeutiques avec un schéma qui leur a été proposé. Le mieux est de vérifier directement avec eux le protocole qu’ils ont en tête. Je conseille alors d’appliquer celui-ci autant que possible.

Si les patients n’ont pas de protocole préalable, il faudra alors en établir les jalons avec eux. Pour un patient adulte qui prend 10ml d’hydrocortisone – c’est-à-dire un comprimé – le matin et le midi, nous pouvons suggérer de prendre immédiatement, quelle que soit l’heure, 2 comprimés d’hydrocortisone et de poursuivre avec 2 comprimés matin, midi et soir pendant 2-3 jours jusqu’à la disparition des symptômes.

DR MALLET : D’accord. Cette patiente a quand même une insuffisance surrénale et des signes de coronavirus. Je vais continuer de la surveiller mais quand dois-je m’inquiéter ? Quels sont les signes de gravité qui doivent m’alerter ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Il y a tous les signes relatifs à la sévérité du COVID. Et potentiellement des signes en rapport avec l’insuffisance surrénale aiguë qui est, je le rappelle, une urgence vitale.

Le tableau d’une insuffisance surrénale aiguë n’est pas forcément spécifique. Le plus souvent, ce sont des tableaux de type gastro-entérites avec des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, des diarrhées. Il peut aussi y avoir un tableau d’infection fébrile avec une AEG franche.

Cette altération d’état général peut évidemment aller jusqu’aux troubles hémodynamiques. Il y a des patients en état de choc au moment de l’insuffisance surrénale aiguë.

Dans ces cas-là, une charge parentérale s’impose sans attendre. Par 100mL d’hydrocortisone en parentérale. Il faudra également vérifier le retentissement hydro-électrolytique de l’insuffisance surrénale aiguë. En gros, quand les patients ne vont pas bien, il est difficile d’échapper à une hospitalisation en urgence.

DR MALLET : Si j’avais un doute, il faudrait l’envoyer dans un service d’urgence avec des parcours COVID+ et COVID- pour pouvoir les tester, les sanctuariser, faire le diagnostic d’insuffisance surrénale et moi-même ne pas hésiter à faire une injection ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Avant toute autre chose : faire l’injection et après le transférer. Moins nous retardons l’injection et plus nous sommes efficaces sur le traitement de la crise et plus nous mettons les patients en sécurité. Il vaut mieux faire une injection pour rien plutôt que de ne pas la faire alors qu’elle était nécessaire.

DR MALLET : D’après votre expérience, il vaut mieux donc traiter. Si j’ai un doute, si j’analyse ce lien avec de la fièvre, des troubles digestifs, il ne faut pas éliminer la possibilité de l’insuffisance surrénale. Sachant que 5% des infections à COVID se présentent avec des tableaux digestifs.

Pour vous, il est donc moins dangereux, dans le doute, de faire une injection d’hydrocortisone plutôt que de l’envoyer aux urgences dans ce contexte très particulier de la maladie d’Addison ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Oui, mais pour les insuffisances corticotropes également. Nous avons des décompensations chez des gens qui ont des insuffisances corticotropes isolées, c’est-à-dire une cause centrale d’insuffisance surrénale.

Ainsi, quand les patients ne vont pas bien et que nous observons une altération franche de l’état général ou quand ils ont des vomissements, nous devons faire la piqûre sans attendre puis les hospitaliser.

Message de fin

DR MALLET : Merci beaucoup. Voulez-vous insister sur quelques messages avant de clore ce cas clinique très illustratif ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Pour l’insuffisance surrénale dans le contexte de l’infection COVID, nous restons sur les recommandations habituelles, à savoir :

1/ Nous n’arrêtons pas l’hydrocortisone car c’est une supplémentation et que c’est la base de leur traitement.

2/ En cas de fièvre ou de syndrome grippal modéré, une charge orale en hydrocortisone est nécessaire et suffisante. La plupart des patients ont été formés pour cela.

3/En cas de malaises, d’altérations majeures de l’état général ou de vomissements, nous devons supposer que le patient est en insuffisance surrénale aiguë. Et il faut donc réaliser une charge et transférer le patient en hospitalisation.

Nous avons un site de la Société Française d’Endocrinologie dans lequel nous avons repris ces informations et rappels relatifs au contexte du coronavirus.

DR MALLET : Si nous avons du temps nous irons voir sur le site. Merci beaucoup professeur Assié. Nous vous souhaitons bon courage car vous reprenez les gardes nocturnes.

Cela fait combien d’années que vous n’avez pas fait de garde de nuit ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : J’en faisais beaucoup mais cela fait 16 ans que je n’ai pas pris de gardes en réanimation. Je ne sais donc pas encore où je vais être appelé donc nous verrons. Par ailleurs, nous continuons aussi du côté de la recherche, ce qui est important.

Courage à tous.

DR MALLET : Merci !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Guillaume Assié, endocrinologue à Cochin.

DR MALLET : Professeur Assié, pouvez-vous nous expliquer la situation dans votre service ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Dans notre service, le mot d’ordre a été de mettre toutes les ressources médicales et paramédicales possibles à disposition des patients COVID.

Nous avons fermé une grande partie de notre activité. L’hôpital de jour est fermé. Les consultations ont été basculées vers des téléconsultations et notre unité d’hospitalisation de 16 lits a été vidée autant que possible de toutes les hospitalisations non urgentes programmées.

Seuls les patients urgents et graves qui ont une pathologie interférente aiguë restent. Pour le moment, cela représente un taux d’occupation de 2/3 dans notre structure.

Il est aussi important de dire que notre structure est censée rester COVID-free dans la stratégie de notre hôpital. À ce titre, un patient qui arrive avec une suspicion de COVID est prélevé dans le service et en cas de positivité va être transféré dans une autre partie de l’hôpital.

Voilà notre organisation actuelle : un travail surtout en téléconsultations.

DR MALLET : Vous êtes donc sanctuarisés COVID-free ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : C’est cela, autant que possible pour le moment, même si cela peut encore changer.

DR MALLET : En quoi cette situation a-t-elle modifié votre activité ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Nous sommes réquisitionnés et réquisitionnables. Un certain nombre de mes collègues sont déjà réaffectés sur des unités COVID+. Je suis moi-même inscrit sur les listes de garde et d’astreintes et je vais donc être appelé vraisemblablement dans les jours qui viennent.

La nouveauté pour nous est l’utilisation des outils de téléconsultation. Ce qui peut prêter à sourire est que nous avons auparavant essayé de mettre en place ces outils, mais avec un succès mitigé car ce n’était jamais une préoccupation prioritaire. Finalement, c’est cette crise qui a précipité l’avènement de ces outils car nous devons faire de nombreuses téléconsultations.

Cela dit, nous les faisons dans un cadre qui n’est pas forcément idéal car nos outils ne sont pas tous opérationnels et nous n’y sommes pas habitués, ce qui peut être déstabilisant. Cependant, nous donnons évidemment la priorité à la continuité des soins car au-delà du COVID, les patients continuent d’être malades et d’avoir des pathologies pour lesquelles nous travaillons au quotidien en dehors de cette épidémie exceptionnelle.

DR MALLET : Voici la question d’un médecin généraliste à Meudon (92).

J’ai été appelé par une femme de 46 ans traitée par hydrocortisones au long court pour une insuffisance surrénale lente. Actuellement, cette personne respecte strictement les règles de confinement et me demande si elle doit arrêter son hydrocortisone compte tenu de ce que nous avons entendu à la radio.

Que me conseillez-vous ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Je rappelle que l’insuffisance surrénale regroupe deux situations : les déficits centraux appelés aussi déficits corticotropes et les déficits périphériques comme la maladie d’Addison.

Dans ces deux situations, le traitement de base de l’insuffisance surrénale est la supplémentation en hydrocortisone qui est un glucocorticoïde.  

Nous avons beaucoup entendu parler d’un effet potentiellement délétère des corticothérapies dans le cadre des COVID-19.

Mais attention, message extrêmement important : cela ne concerne pas les traitements substitutifs. Les doses de substitution en hydrocortisone ne sont pas anti-inflammatoires. Il ne faut surtout pas arrêter l’hydrocortisone.

DR MALLET : À faible dose, il n’y a donc pas d’effet anti-inflammatoire et donc pas de risque d’aggravation d’une éventuelle infection par le COVID-19.

PR GUILLAUME ASSIÉ : Voilà. Arrêter la supplémentation, c’est prendre le risque d’une décompensation de l’insuffisance surrénale.

Cela signifie un malaise ou des complications pour le patient et une prise en charge en urgence pour le système de santé, ce qui n’est certainement pas souhaitable dans la période actuelle. Nous n’avons pas besoin de patients supplémentaires.

DR MALLET : Ce qui me gêne est que cette patiente tousse un peu. Elle a eu un syndrome grippal il y a 2/3 jours relativement modéré et bien toléré. Mais, dans ce contexte-là, je ne sais pas quoi faire.

J’avais retenu qu’il fallait augmenter les doses d’hydrocortisone chez les insuffisants rénaux. Mais comme elle est relativement asymptomatique je ne sais pas quoi faire.

PR GUILLAUME ASSIÉ : Si la patiente a un syndrome grippal, de la fièvre, elle doit augmenter son hydrocortisone. Il lui faut une charge en hydrocortisone parce que la fatigue liée à l’infection virale est une situation de stress pour l’organisme qui nécessite l’augmentation ponctuelle des doses d’hydrocortisone dans le but de prévenir l’insuffisance surrénale aiguë.

Si la patiente a un état général satisfaisant, une charge orale suffit. Il n’y a pas besoin que cette charge soit prolongée. Elle peut être arrêtée au bout de 2/3 jours avant de repasser à la dose de supplémentation de base.

 DR MALLET : Les patients avec une insuffisance surrénale ne sont donc pas plus à risque que les autres patients avec des formes plus graves, à partir du moment où ils sont supplémentés par une hydrocortisone à faible dose.

PR GUILLAUME ASSIÉ : Il n’y a pas de documentation là-dessus, et nous n’avons pas de preuve ni d’alerte à ce sujet. Mais il est certain en revanche que l’arrêt de l’hydrocortisone, chez un patient qui présente une insuffisance surrénale, va induire une décompensation trop importante pouvant entraîner des complications chez ce patient. Celui-ci devra alors être pris en charge médicalement ce qui entraînera par conséquent une surcharge du système de soins déjà accablé par la situation exceptionnelle qu’engendre le COVID-19.

DR MALLET : Je retiens qu’en raison de son syndrome grippal je n’hésite pas à faire une charge en hydrocortisone. Quel schéma me conseillez-vous ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Pour une charge orale il n’y a pas de schéma précis et universel. La plupart des patients ont eu des cours d’éducation thérapeutiques avec un schéma qui leur a été proposé. Le mieux est de vérifier directement avec eux le protocole qu’ils ont en tête. Je conseille alors d’appliquer celui-ci autant que possible.

Si les patients n’ont pas de protocole préalable, il faudra alors en établir les jalons avec eux. Pour un patient adulte qui prend 10ml d’hydrocortisone – c’est-à-dire un comprimé – le matin et le midi, nous pouvons suggérer de prendre immédiatement, quelle que soit l’heure, 2 comprimés d’hydrocortisone et de poursuivre avec 2 comprimés matin, midi et soir pendant 2-3 jours jusqu’à la disparition des symptômes.

DR MALLET : D’accord. Cette patiente a quand même une insuffisance surrénale et des signes de coronavirus. Je vais continuer de la surveiller mais quand dois-je m’inquiéter ? Quels sont les signes de gravité qui doivent m’alerter ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Il y a tous les signes relatifs à la sévérité du COVID. Et potentiellement des signes en rapport avec l’insuffisance surrénale aiguë qui est, je le rappelle, une urgence vitale.

Le tableau d’une insuffisance surrénale aiguë n’est pas forcément spécifique. Le plus souvent, ce sont des tableaux de type gastro-entérites avec des douleurs abdominales, des nausées, des vomissements, des diarrhées. Il peut aussi y avoir un tableau d’infection fébrile avec une AEG franche.

Cette altération d’état général peut évidemment aller jusqu’aux troubles hémodynamiques. Il y a des patients en état de choc au moment de l’insuffisance surrénale aiguë.

Dans ces cas-là, une charge parentérale s’impose sans attendre. Par 100mL d’hydrocortisone en parentérale. Il faudra également vérifier le retentissement hydro-électrolytique de l’insuffisance surrénale aiguë. En gros, quand les patients ne vont pas bien, il est difficile d’échapper à une hospitalisation en urgence.

DR MALLET : Si j’avais un doute, il faudrait l’envoyer dans un service d’urgence avec des parcours COVID+ et COVID- pour pouvoir les tester, les sanctuariser, faire le diagnostic d’insuffisance surrénale et moi-même ne pas hésiter à faire une injection ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Avant toute autre chose : faire l’injection et après le transférer. Moins nous retardons l’injection et plus nous sommes efficaces sur le traitement de la crise et plus nous mettons les patients en sécurité. Il vaut mieux faire une injection pour rien plutôt que de ne pas la faire alors qu’elle était nécessaire.

DR MALLET : D’après votre expérience, il vaut mieux donc traiter. Si j’ai un doute, si j’analyse ce lien avec de la fièvre, des troubles digestifs, il ne faut pas éliminer la possibilité de l’insuffisance surrénale. Sachant que 5% des infections à COVID se présentent avec des tableaux digestifs.

Pour vous, il est donc moins dangereux, dans le doute, de faire une injection d’hydrocortisone plutôt que de l’envoyer aux urgences dans ce contexte très particulier de la maladie d’Addison ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Oui, mais pour les insuffisances corticotropes également. Nous avons des décompensations chez des gens qui ont des insuffisances corticotropes isolées, c’est-à-dire une cause centrale d’insuffisance surrénale.

Ainsi, quand les patients ne vont pas bien et que nous observons une altération franche de l’état général ou quand ils ont des vomissements, nous devons faire la piqûre sans attendre puis les hospitaliser.

DR MALLET : Merci beaucoup. Voulez-vous insister sur quelques messages avant de clore ce cas clinique très illustratif ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : Pour l’insuffisance surrénale dans le contexte de l’infection COVID, nous restons sur les recommandations habituelles, à savoir :

1/ Nous n’arrêtons pas l’hydrocortisone car c’est une supplémentation et que c’est la base de leur traitement.

2/ En cas de fièvre ou de syndrome grippal modéré, une charge orale en hydrocortisone est nécessaire et suffisante. La plupart des patients ont été formés pour cela.

3/En cas de malaises, d’altérations majeures de l’état général ou de vomissements, nous devons supposer que le patient est en insuffisance surrénale aiguë. Et il faut donc réaliser une charge et transférer le patient en hospitalisation.

Nous avons un site de la Société Française d’Endocrinologie dans lequel nous avons repris ces informations et rappels relatifs au contexte du coronavirus.

DR MALLET : Si nous avons du temps nous irons voir sur le site. Merci beaucoup professeur Assié. Nous vous souhaitons bon courage car vous reprenez les gardes nocturnes.

Cela fait combien d’années que vous n’avez pas fait de garde de nuit ?

PR GUILLAUME ASSIÉ : J’en faisais beaucoup mais cela fait 16 ans que je n’ai pas pris de gardes en réanimation. Je ne sais donc pas encore où je vais être appelé donc nous verrons. Par ailleurs, nous continuons aussi du côté de la recherche, ce qui est important.

Courage à tous.

DR MALLET : Merci !

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