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Patient de 85 ans avec fièvre, toux et diarrhée depuis 2 jours

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Olivier Hanon, Chef du Service de Gériatrie de l’hôpital Broca.

Retour d'expérience

DR MALLET : Merci de parler pour Radio Cochin. Pouvez-vous nous expliquer votre service et en quoi cette situation de crise exceptionnelle a modifié vos activités ?

PR OLIVIER HANON : Je suis chef de service dans un hôpital de gériatrie qui fait près de 400 lits à Paris, l'hôpital Broca. Il y a quinze jours, nous avons eu le premier cas de patient atteint de COVID et nous avons été frappés par l'extrême contagiosité de cette pathologie puisque le nombre de patients atteints de COVID est actuellement passé à près de 120.

Par ailleurs, ce sont des patients avec des spécificités car les patients gériatriques ont du mal à garder le masque et sont parfois déambulants. Il peut donc y avoir un risque de contagion encore plus important. 

Les unités de service sont des unités où nous avons de besoin de beaucoup de personnel car nos patients sont souvent très fatigués et ont de fait du mal à manger ou à se laver seuls. Ce sont en général des patients dépendants qui ont besoin qu’on les aide et c’est pourquoi nous avons mis en place un ratio de 6 patients pour un aide-soignant ou une infirmière. 

Les équipes de gériatrie ont été rapidement formées, notamment sur toutes les mesures d'hygiène de lavage des mains, de protections, les masques, les charlottes et tout ce dont nous avons besoin quand nous rentrons dans une chambre de patient atteint de COVID. Le service s'est donc très rapidement formé à cette nouvelle pathologie. 

Aussi et en raison justement de la grande contagion du virus, nous avons malheureusement été obligés d'interdire les visites sur ces sites gériatriques. Ce qui est très difficile pour les patients et leur famille. Mais nous y étions obligés et c'était même dans la loi. 

Grâce aux psychologues du service, nous avons heureusement mis en place des visites via des tablettes pour que les patients puissent avoir des nouvelles et voir leur famille. Par ailleurs, les médecins appellent les familles tous les jours pour leur donner des nouvelles.

DR MALLET : C’est intéressant. Vous ne manquez donc pas de personnel ? Vous avez la location de matériel nécessaire pour fonctionner ?

PR OLIVIER HANON : Nous avions des tablettes à l'hôpital parce nous faisions déjà pas mal de recherches sur les gérontechnologies. Mais l'assistance publique nous a ensuite mis à disposition un grand nombre de tablettes.

DR MALLET : Vous avez donc développé le réseau pour faire des conférences ? Les patients peuvent voir leur famille ? 

PR OLIVIER HANON : Oui cela a été mis en place. Nous avons redistribué le personnel également. Nous avons une consultation mémoire importante à l'hôpital Broca donc toutes les neuropsychologues qui font d'habitude des tests de mémoire ont été redéployées dans les services COVID pour appeler les familles. Elles sont un soutien psychologique aux familles mais aussi au personnel, c’est très important.

DR MALLET : Bien sûr. Avez-vous donc assez de personnels (aides-soignants, infirmières) pour pouvoir sanctuariser les patients ?  

PR OLIVIER HANON : Cela a été une grande difficulté et c'est pourquoi nous sommes montés en charge doucement. Nous avons commencé par 30 lits et nous en sommes maintenant à 120. Sachant que notre spécialité était déjà un peu limitée en termes de personnel soignants notamment, nous avons pu faire appel à ce que nous appelons la réserve sanitaire. 

Des infirmières de services qui ont dû arrêter leurs activités (diabétologie et ophtalmologie) sont venues nous aider en gériatrie. Nous avons aussi eu une aide très spectaculaire des étudiants en médecine. Près de 100 externes nous ont rejoint et font désormais fonction soit d’aides-soignants pour les étudiants en 2ème et 3ème année, soit d'infirmières pour les étudiants en 4ème, 5ème ou 6ème année. Ils ont été mis en binômes avec nos infirmières et aides-soignants. Ils sont maintenant autonomes pour être infirmières et aides-soignants à leur tour, ce qui nous a permis d'augmenter en capacité. 

Nous avons aussi reçu l'aide de médecins d'autres spécialités et d’internes en chirurgie, dermatologie, diabétologie. En renforçant nos équipes, ils nous ont permis de prendre en charge tous ces patients âgés, fragiles, dépendants.

DR MALLET : C'est donc une belle solidarité. C’est formidable.

PR OLIVIER HANON : Oui c’est tout à fait remarquable de voir à quel point nous avons pu monter en capacité de prise en charge alors qu'au début nous nous demandions comment nous allions pouvoir faire. Nous avons eu de l'aide de tout le monde. 

C'est vraiment une solidarité majeure qui s'est mise en place au sein de l’AP-HP.

DR MALLET : Vous arrivez à accueillir encore des patients ?

PR OLIVIER HANON : Nous allons augmenter jusqu'aux 120 lits. Ensuite, comme une grande partie des patients passent heureusement le cap des 14 premiers jours, la phase aiguë, nous pouvons les remettre dans d'autres lits, plutôt des SSR (soins de suite et de réadaptation) qui nécessitent un peu moins de personnel. 

Cela va libérer des lits aigus et nous permettre de faire tourner le service.

Nous avons aussi transféré dans d'autres structures un grand nombre de patients qui n'étaient pas atteints. Des structures AP mais aussi beaucoup de cliniques privées. Nous voyons la solidarité qui nous permet de libérer des lits et donc de pouvoir avoir un hôpital qui ne fonctionne quasiment qu'avec des patients atteints du COVID. Qui sont soit en phase aiguë, soit en phase de rééducation et de réadaptation 14 jours après.

DR MALLET : D’accord. Il y a donc un message important : il y a des patients qui s’améliorent.

PR OLIVIER HANON : Oui heureusement !

DR MALLET : Parce que lorsqu’on écoute les chaînes d'information grand public, on a l'impression que c'est l'horreur. Au moins dans vos unités, il y a des patients qui s'améliorent et qui sont transférés guéris.

PR OLIVIER HANON : Oui et même chez des patients très âgés et fragiles – car notre moyenne d'âge est autour de 88 ans – presque 80% des gens passent le cap.

 DR MALLET : C’est un super message. Il faut les traiter très vite et faire le maximum pour les remettre en état de base.

PR OLIVIER HANON : Oui et surtout mettre à leur disposition des soignants pour continuer à leur donner à boire et à manger. Leur donner à boire est notamment très important car les patients âgés ont un risque de déshydratation très rapide.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Paris, dans le 16ème arrondissement de Paris. 

Je me rends au domicile d'un patient de 85 ans qui est tombé. Il a été remis dans son lit par son épouse. Il a un petit 38 et tousse. J’ai trouvé un petit foyer à la base droite en l’auscultant. Et il a mal au ventre. 

Son épouse me dit qu'il a de la diarrhée depuis deux jours et que c'est en allant aux toilettes qu'il est tombé.

Pensez-vous que ce monsieur est à risque d'une infection par le COVID ? À votre avis, dois-je l'envoyer aux urgences ?

Réponse et discussion

PR OLIVIER HANON : C'est une des grandes particularités des patients âgés. Chez eux, les signes du COVID peuvent être parfois atypiques. Ce n'est pas forcément la grande fièvre avec la toux classique. 

On voit assez ces patients des cas de diarrhée avec des chutes, de la confusion et parfois de l’anosmie qui peuvent être associés aux signes plus classiques qui sont la fièvre, la toux, la dyspnée ou des signes ORL de rhinite. Chez un patient qui a de la diarrhée, un peu de fièvre et de la toux, il faut penser à une infection par le COVID dans le contexte actuel, très clairement.

Ce patient qui ne présente pas encore de signe de gravité important va devoir rester confiné chez lui et être surveillé par son épouse. Ils vont devoir porter un masque tous les deux car le double masquage marche très bien pour éviter la contagion. 

Le médecin devra ensuite repasser pour surveiller la température, la dyspnée, la fréquence respiratoire et les signes classiques d'hospitalisation comme une fréquence respiratoire au-dessus de 22, une saturation en dessous de 90, une tension en dessous de 100 millimètres de mercure, des marbrures et surtout la confusion chez des gens âgés. 

Ce patient est à risque de confusion. Par ailleurs, les petits crépitants sont déjà le signal de quelque chose et auraient pu justifier une hospitalisation s'il y en avait eu un peu plus. 

DR MALLET : Il y a un petit foyer à la base droite. Faut-il le mettre sous antibiotiques ? Peut-être qu'il a inhalé en tombant ?

PR OLIVIER HANON : Exactement. On peut classiquement commencer de l'Augmentin. Il n'a pas encore tous les signes de gravité mais il est à risque donc il faut très clairement repasser le lendemain, le surveiller et l'envoyer aux urgences s'il présente un des signes classiques d'hospitalisation. Notamment s'il devient confus.

DR MALLET : D’accord. Donc en termes de conseils, il faut bien qu’il reste hydraté.

PR OLIVIER HANON : Il faut bien hydrater : un litre et demi à deux litres par jour. Avoir sa bouteille d'eau, la finir à la fin de la journée et boire le café, la soupe qui font les 500mL supplémentaires pour essayer d'avoir 2 litres par jour. 

Par ailleurs, bien surveiller la température et l'état de confusion. 

S’il y a un doute sur la déshydratation, on peut aussi faire un bilan biologique pour vérifier la fonction rénale notamment. 

DR MALLET : La prise de sang doit être faite immédiatement ?

PR OLIVIER HANON : Non, pour l’instant nous allons le surveiller. Au moindre doute, nous appellerons le 15 qui l’enverra aux urgences.

DR MALLET : D’accord. Je récapitule. 

Le double-masquage est très important pour protéger son épouse aussi. Je démarre une antibiothérapie parce qu'il a ce foyer à la base droite. Je fais en sorte qu’il garde une bonne hydratation. Enfin, je le surveille même s’il ne va pas forcément s’aggraver.

PR OLIVIER HANON : Son épouse doit faire le 15 s’il commence à être un peu confus ou si la diarrhée s’aggrave de façon très importante car cela peut être le cas et provoquer des risques d’hypokaliémie. Ensuite, le 15 le redirigera. 

Sinon, en tant que médecin j’essaie de repasser le lendemain pour vérifier sa fréquence respiratoire, sa saturation et sa pression artérielle.

DR MALLET : Et donc, vous avez vu déjà des diarrhées très importantes chez ces patients ? 

PR OLIVIER HANON : Oui tout à fait. Nous avons eu des patients chez qui nous avons fait le diagnostic sur fièvre et diarrhées avec des hypokaliémies associées.

J’en profite pour passer un message important en cette période où le patient est à risque de déshydratation avec une température importante : il convient parfois d'arrêter des médicaments comme les diurétiques, les bloqueurs du système rénine-angiotensine. 

On dit qu'il ne faut pas arrêter l’IEC ou l’ARA2 chez quelqu'un qui va bien, mais si le patient est à 39 de température et déshydraté, les diurétiques et les bloqueurs du système rénine-angiotensine peuvent être arrêtés. 

DR MALLET : Faut-il faire une pause ?

PR OLIVIER HANON : Il le faut. Pour éviter d'aggraver la déshydratation pendant 24, 48 ou 72 heures.

Message de fin

DR MALLET : C'est très clair. Avez-vous un dernier message pour ce cas clinique ?

PR OLIVIER HANON : Message très important : il faut que les patients qui sont chez eux n’hésitent pas à appeler leur médecin généraliste. En ce moment, les gens ont un peu peur d'appeler les secours et d'aller à l'hôpital. Cependant, il faut vraiment que les médecins généralistes viennent et puissent surveiller ces patients. En cas de critères d'hospitalisation, il faut qu’ils puissent faire le 15 et les adresser à l'hôpital.

Autre message : pensez au COVID même sur des signes atypiques sur des gens âgés, notamment la diarrhée, la confusion et la chute qui ne sont pas des symptômes spécifiques de quoi que ce soit. En ce moment, il faut penser au COVID sur ces signes.

DR MALLET : Merci beaucoup. C'est justement pour nos collègues de ville que nous faisons Radio Cochin et nous savons qu’ils nous écoutent. Merci beaucoup.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville. 

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Olivier Hanon, Chef du Service de Gériatrie de l’hôpital Broca. 

DR MALLET : Merci de parler pour Radio Cochin. Pouvez-vous nous expliquer votre service et en quoi cette situation de crise exceptionnelle a modifié vos activités ?

PR OLIVIER HANON : Je suis chef de service dans un hôpital de gériatrie qui fait près de 400 lits à Paris, l'hôpital Broca. Il y a quinze jours, nous avons eu le premier cas de patient atteint de COVID et nous avons été frappés par l'extrême contagiosité de cette pathologie puisque le nombre de patients atteints de COVID est actuellement passé à près de 120.

Par ailleurs, ce sont des patients avec des spécificités car les patients gériatriques ont du mal à garder le masque et sont parfois déambulants. Il peut donc y avoir un risque de contagion encore plus important. 

Les unités de service sont des unités où nous avons de besoin de beaucoup de personnel car nos patients sont souvent très fatigués et ont de fait du mal à manger ou à se laver seuls. Ce sont en général des patients dépendants qui ont besoin qu’on les aide et c’est pourquoi nous avons mis en place un ratio de 6 patients pour un aide-soignant ou une infirmière. 

Les équipes de gériatrie ont été rapidement formées, notamment sur toutes les mesures d'hygiène de lavage des mains, de protections, les masques, les charlottes et tout ce dont nous avons besoin quand nous rentrons dans une chambre de patient atteint de COVID. Le service s'est donc très rapidement formé à cette nouvelle pathologie. 

Aussi et en raison justement de la grande contagion du virus, nous avons malheureusement été obligés d'interdire les visites sur ces sites gériatriques. Ce qui est très difficile pour les patients et leur famille. Mais nous y étions obligés et c'était même dans la loi. 

Grâce aux psychologues du service, nous avons heureusement mis en place des visites via des tablettes pour que les patients puissent avoir des nouvelles et voir leur famille. Par ailleurs, les médecins appellent les familles tous les jours pour leur donner des nouvelles.

DR MALLET : C’est intéressant. Vous ne manquez donc pas de personnel ? Vous avez la location de matériel nécessaire pour fonctionner ?

PR OLIVIER HANON : Nous avions des tablettes à l'hôpital parce nous faisions déjà pas mal de recherches sur les gérontechnologies. Mais l'assistance publique nous a ensuite mis à disposition un grand nombre de tablettes.

DR MALLET : Vous avez donc développé le réseau pour faire des conférences ? Les patients peuvent voir leur famille ? 

PR OLIVIER HANON : Oui cela a été mis en place. Nous avons redistribué le personnel également. Nous avons une consultation mémoire importante à l'hôpital Broca donc toutes les neuropsychologues qui font d'habitude des tests de mémoire ont été redéployées dans les services COVID pour appeler les familles. Elles sont un soutien psychologique aux familles mais aussi au personnel, c’est très important.

DR MALLET : Bien sûr. Avez-vous donc assez de personnels (aides-soignants, infirmières) pour pouvoir sanctuariser les patients ?  

PR OLIVIER HANON : Cela a été une grande difficulté et c'est pourquoi nous sommes montés en charge doucement. Nous avons commencé par 30 lits et nous en sommes maintenant à 120. Sachant que notre spécialité était déjà un peu limitée en termes de personnel soignants notamment, nous avons pu faire appel à ce que nous appelons la réserve sanitaire. 

Des infirmières de services qui ont dû arrêter leurs activités (diabétologie et ophtalmologie) sont venues nous aider en gériatrie. Nous avons aussi eu une aide très spectaculaire des étudiants en médecine. Près de 100 externes nous ont rejoint et font désormais fonction soit d’aides-soignants pour les étudiants en 2ème et 3ème année, soit d'infirmières pour les étudiants en 4ème, 5ème ou 6ème année. Ils ont été mis en binômes avec nos infirmières et aides-soignants. Ils sont maintenant autonomes pour être infirmières et aides-soignants à leur tour, ce qui nous a permis d'augmenter en capacité. 

Nous avons aussi reçu l'aide de médecins d'autres spécialités et d’internes en chirurgie, dermatologie, diabétologie. En renforçant nos équipes, ils nous ont permis de prendre en charge tous ces patients âgés, fragiles, dépendants.

DR MALLET : C'est donc une belle solidarité. C’est formidable.

PR OLIVIER HANON : Oui c’est tout à fait remarquable de voir à quel point nous avons pu monter en capacité de prise en charge alors qu'au début nous nous demandions comment nous allions pouvoir faire. Nous avons eu de l'aide de tout le monde. 

C'est vraiment une solidarité majeure qui s'est mise en place au sein de l’AP-HP.

DR MALLET : Vous arrivez à accueillir encore des patients ?

PR OLIVIER HANON : Nous allons augmenter jusqu'aux 120 lits. Ensuite, comme une grande partie des patients passent heureusement le cap des 14 premiers jours, la phase aiguë, nous pouvons les remettre dans d'autres lits, plutôt des SSR (soins de suite et de réadaptation) qui nécessitent un peu moins de personnel. 

Cela va libérer des lits aigus et nous permettre de faire tourner le service.

Nous avons aussi transféré dans d'autres structures un grand nombre de patients qui n'étaient pas atteints. Des structures AP mais aussi beaucoup de cliniques privées. Nous voyons la solidarité qui nous permet de libérer des lits et donc de pouvoir avoir un hôpital qui ne fonctionne quasiment qu'avec des patients atteints du COVID. Qui sont soit en phase aiguë, soit en phase de rééducation et de réadaptation 14 jours après.

DR MALLET : D’accord. Il y a donc un message important : il y a des patients qui s’améliorent.

PR OLIVIER HANON : Oui heureusement !

DR MALLET : Parce que lorsqu’on écoute les chaînes d'information grand public, on a l'impression que c'est l'horreur. Au moins dans vos unités, il y a des patients qui s'améliorent et qui sont transférés guéris.

PR OLIVIER HANON : Oui et même chez des patients très âgés et fragiles – car notre moyenne d'âge est autour de 88 ans – presque 80% des gens passent le cap.

 DR MALLET : C’est un super message. Il faut les traiter très vite et faire le maximum pour les remettre en état de base.

PR OLIVIER HANON : Oui et surtout mettre à leur disposition des soignants pour continuer à leur donner à boire et à manger. Leur donner à boire est notamment très important car les patients âgés ont un risque de déshydratation très rapide. 

DR MALLET : Voici maintenant la question d’un médecin généraliste à Paris, dans le 16ème arrondissement de Paris. 

Je me rends au domicile d'un patient de 85 ans qui est tombé. Il a été remis dans son lit par son épouse. Il a un petit 38 et tousse. J’ai trouvé un petit foyer à la base droite en l’auscultant. Et il a mal au ventre. 

Son épouse me dit qu'il a de la diarrhée depuis deux jours et que c'est en allant aux toilettes qu'il est tombé.

Pensez-vous que ce monsieur est à risque d'une infection par le COVID ? À votre avis, dois-je l'envoyer aux urgences ?

PR OLIVIER HANON : C'est une des grandes particularités des patients âgés. Chez eux, les signes du COVID peuvent être parfois atypiques. Ce n'est pas forcément la grande fièvre avec la toux classique. 

On voit assez ces patients des cas de diarrhée avec des chutes, de la confusion et parfois de l’anosmie qui peuvent être associés aux signes plus classiques qui sont la fièvre, la toux, la dyspnée ou des signes ORL de rhinite. Chez un patient qui a de la diarrhée, un peu de fièvre et de la toux, il faut penser à une infection par le COVID dans le contexte actuel, très clairement.

Ce patient qui ne présente pas encore de signe de gravité important va devoir rester confiné chez lui et être surveillé par son épouse. Ils vont devoir porter un masque tous les deux car le double masquage marche très bien pour éviter la contagion. 

Le médecin devra ensuite repasser pour surveiller la température, la dyspnée, la fréquence respiratoire et les signes classiques d'hospitalisation comme une fréquence respiratoire au-dessus de 22, une saturation en dessous de 90, une tension en dessous de 100 millimètres de mercure, des marbrures et surtout la confusion chez des gens âgés. 

Ce patient est à risque de confusion. Par ailleurs, les petits crépitants sont déjà le signal de quelque chose et auraient pu justifier une hospitalisation s'il y en avait eu un peu plus. 

DR MALLET : Il y a un petit foyer à la base droite. Faut-il le mettre sous antibiotiques ? Peut-être qu'il a inhalé en tombant ?

PR OLIVIER HANON : Exactement. On peut classiquement commencer de l'Augmentin. Il n'a pas encore tous les signes de gravité mais il est à risque donc il faut très clairement repasser le lendemain, le surveiller et l'envoyer aux urgences s'il présente un des signes classiques d'hospitalisation. Notamment s'il devient confus.

DR MALLET : D’accord. Donc en termes de conseils, il faut bien qu’il reste hydraté.

PR OLIVIER HANON : Il faut bien hydrater : un litre et demi à deux litres par jour. Avoir sa bouteille d'eau, la finir à la fin de la journée et boire le café, la soupe qui font les 500mL supplémentaires pour essayer d'avoir 2 litres par jour. 

Par ailleurs, bien surveiller la température et l'état de confusion. 

S’il y a un doute sur la déshydratation, on peut aussi faire un bilan biologique pour vérifier la fonction rénale notamment. 

DR MALLET : La prise de sang doit être faite immédiatement ?

PR OLIVIER HANON : Non, pour l’instant nous allons le surveiller. Au moindre doute, nous appellerons le 15 qui l’enverra aux urgences.

DR MALLET : D’accord. Je récapitule. 

Le double-masquage est très important pour protéger son épouse aussi. Je démarre une antibiothérapie parce qu'il a ce foyer à la base droite. Je fais en sorte qu’il garde une bonne hydratation. Enfin, je le surveille même s’il ne va pas forcément s’aggraver.

PR OLIVIER HANON : Son épouse doit faire le 15 s’il commence à être un peu confus ou si la diarrhée s’aggrave de façon très importante car cela peut être le cas et provoquer des risques d’hypokaliémie. Ensuite, le 15 le redirigera. 

Sinon, en tant que médecin j’essaie de repasser le lendemain pour vérifier sa fréquence respiratoire, sa saturation et sa pression artérielle.

DR MALLET : Et donc, vous avez vu déjà des diarrhées très importantes chez ces patients ? 

PR OLIVIER HANON : Oui tout à fait. Nous avons eu des patients chez qui nous avons fait le diagnostic sur fièvre et diarrhées avec des hypokaliémies associées.

J’en profite pour passer un message important en cette période où le patient est à risque de déshydratation avec une température importante : il convient parfois d'arrêter des médicaments comme les diurétiques, les bloqueurs du système rénine-angiotensine. 

On dit qu'il ne faut pas arrêter l’IEC ou l’ARA2 chez quelqu'un qui va bien, mais si le patient est à 39 de température et déshydraté, les diurétiques et les bloqueurs du système rénine-angiotensine peuvent être arrêtés. 

DR MALLET : Faut-il faire une pause ?

PR OLIVIER HANON : Il le faut. Pour éviter d'aggraver la déshydratation pendant 24, 48 ou 72 heures.

DR MALLET : C'est très clair. Avez-vous un dernier message pour ce cas clinique ?

PR OLIVIER HANON : Message très important : il faut que les patients qui sont chez eux n’hésitent pas à appeler leur médecin généraliste. En ce moment, les gens ont un peu peur d'appeler les secours et d'aller à l'hôpital. Cependant, il faut vraiment que les médecins généralistes viennent et puissent surveiller ces patients. En cas de critères d'hospitalisation, il faut qu’ils puissent faire le 15 et les adresser à l'hôpital.

Autre message : pensez au COVID même sur des signes atypiques sur des gens âgés, notamment la diarrhée, la confusion et la chute qui ne sont pas des symptômes spécifiques de quoi que ce soit. En ce moment, il faut penser au COVID sur ces signes.

DR MALLET : Merci beaucoup. C'est justement pour nos collègues de ville que nous faisons Radio Cochin et nous savons qu’ils nous écoutent. Merci beaucoup.

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