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Risque d’infection pour les femmes enceintes et transmission au bébé

INTRODUCTION

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.  

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Olivia Anselem, gynécologue et obstétricienne à Cochin Port-Royal.

Retour d'expérience

DR MALLET : Docteur Anselem, pouvez-vous nous expliquer comment cela se passe dans votre centre et en quoi cette situation de crise exceptionnelle a modifié votre activité ?  

DR OLIVIA ANSELEM : Nous avons donc réorganisé une grande partie de la maternité pour faire face à l’afflux de patientes enceintes et suspectes d’être infectées par le COVID. Aux urgences, un circuit a été organisé pour identifier rapidement les patientes potentiellement infectées et 4 chambres permettent de placer ces patientes afin de les évaluer sur le plan général et obstétrical.

Pour faire face, nous avons augmenté le nombre de sages-femmes aux urgences. Nous avons mis en place une liste d’astreintes supplémentaires qui vient se surajouter aux effectifs de gardes habituelles, à la fois en obstétrique (médecins et internes) et en anesthésies, en sages-femmes, infirmières de blocs et infirmières anesthésistes. 

Dans le service, nous avons également 18 lits d’hospitalisation pour les grossesses à hauts risques ou les suites de couche dans des unités que nous avons identifiées COVID. Ces lits sont réservés pour des femmes infectées ou fortement suspectées de l’être, avec une équipe dédiée. Les personnels ont été formés : médecins, internes sages-femmes et infirmières, pour pouvoir être à l’aise avec l’habillage, le déshabillage et les mesures de protection ainsi que pour réaliser les prélèvements de ces patients. 

DR MALLET : Vous travaillez dans une maternité de niveau 3 et allez donc recevoir tous types de patientes.  Y a-t-il une ségrégation à l’accueil en fonction des symptômes ou tout le monde est testé à l’arrivée ? 

DR OLIVIA ANSELEM : À l’arrivée, les patientes sont interrogées pour savoir si elles ont des signes respiratoires ou de la fièvre, et la température est contrôlée à l’accueil des urgences. Cela permet de faire un tri assez rapide. Nous interrogeons également les femmes sur un contact potentiel à la maison. Si leur conjoint est malade, nous serons plus prudents. Si les femmes sont enceintes et suspectées d’infection alors elles vont être prélevées mais ce n’est pas le cas de toutes.

DR MALLET : D’accord. Il y a donc une ségrégation en fonction de la check list à l’arrivée. Si elles ont des signes, elles sont à mises à l’écart, testées, et en fonction des résultats du test, elles sont orientées dans tel ou tel secteur.

DR OLIVIA ANSELEM : Si elles n’ont aucun signe de gravité et des examens cliniques et obstétricaux rassurants, elles sont prélevées puis peuvent rentrer chez elles. Nous les rappelons alors quand nous avons le résultat quelques heures plus tard. Cela permet d’éviter un encombrement au niveau des urgences. 

DR MALLET : En effet, c’est un grand lieu de potentielle transmission. 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement.

Si elles sont positives sans signe de gravité, les consignes vont être de rester à domicile. Nous les appelons quotidiennement pour évaluer leur état clinique et vérifier qu’il n’y ait pas de complications au niveau obstétrical, pas davantage de contractions et qu’elles sentent bien leur bébé bouger. On poursuivra alors cette procédure pendant 14 jours après la date de début des symptômes.

Si nous les évaluons positives au COVID et pensons qu’elles nécessitent une surveillance plus poussée, à ce moment-là nous décidons de les hospitaliser dans une unité de grossesse à haut risque COVID+ où elles seront prises en charge par une équipe formée qui va vérifier la saturation et leur état respiratoire de façon quotidienne.

Si toutefois nous avions à prendre en charge une patiente qui présente d’emblée des signes de détresses respiratoires aiguës et qui nécessite alors davantage de soins comme une oxygénothérapie ou directement des soins de réanimation, nous l’envoyons immédiatement dans une unité spécifique. 

Dans le bâtiment Port-Royal, nous avons une unité de réanimation COVID+ qui permet d’accueillir des femmes non-enceintes.  Il y a aussi quelques lits identifiés pour des femmes dont le stade de grossesse est peu avancé. Si jamais une naissance prématurée doit avoir lieu, nous sommes à proximité d’une réanimation néo-natale qui peut prendre en charge un grand prématuré de moins de 32 semaines. 

DR MALLET : D’accord. Il y a donc une unité de réanimation pour mamans dans votre maternité de niveau 3. 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement. Nous avons quelques lits identifiés pour des femmes enceintes qui ont des signes de gravité relevant de la réanimation pour lesquelles nous pourrions nous poser la question d’une césarienne en urgence, pour permettre aux réanimateurs d’améliorer la ventilation de ces patientes. 

Et il y a une unité de réanimation néo-natale car nous sommes un niveau 3. Toutes ces unités sont réunies dans un même bâtiment.

Présentation du cas clinique

DR MALLET : C’est impressionnant. Voici maintenant la question d‘un médecin généraliste dans le 14e arrondissement de Paris.

Je vois une femme de 32 ans qui est à 33 semaines d’une troisième grossesse, qui a de la fièvre et qui tousse. Elle a des signes respiratoires, elle est fébrile. Je suis inquiet par ce contexte. Selon vous qui êtes en première ligne, les femmes enceintes sont-elles à risque d’infections graves par le COVID ? Son bébé est-il à risque ?

Réponse et discussion

DR OLIVIA ANSELEM : Les données que nous avons actuellement viennent surtout des études chinoises qui ont pris en charge plus de patients que nous. Elles montrent que l’état de grossesse n’augmente pas le risque de faire une forme grave. 

Néanmoins, nous restons prudents car notre expérience avec d’autres infections respiratoires comme la grippe montre que le 3ème trimestre est quand même une période de la grossesse où les femmes pourraient être plus à risque de faire une forme grave. Cela dit, ce n’est pas démontré pour le COVID-19, c’est donc plus de l’ordre de la précaution. 

Le plus souvent, nous sommes face à des femmes qui font une forme tout à fait bénigne de la maladie et qui vont guérir avec la même évolution que ce que nous observons dans la population générale, très favorablement donc.

Concernant le fœtus, comme c’est un virus respiratoire – comme ce que nous voyons pour la grippe – il y a très peu de virémies, voire pas du tout, et il n’y a pas de transmission materno-fœtale qui a été décrite. 

Les données que nous avons nous confirment progressivement le fait qu’il n’y a pas de possibilité de contaminer le fœtus in utéro. Nous n’avons pas de fœtopathies ou de malformations car ce n’est pas un virus qui serait tératogène. 

Nous pouvons donc rassurer les mamans sur la question de la transmission materno-fœtale car nous sommes aujourd’hui confiants sur le fait qu’elle n’existe pas. 

DR MALLET : Il n’y a donc pas de transmission materno-fœtale à votre connaissance. Je peux donc être extrêmement rassurant vis-à-vis du bébé de cette jeune future maman. 

DR OLIVIA ANSELEM : Il faut être prudents quand nous sommes à proximité de l’accouchement car quelques infections néo-natales ont été rapportée.  A priori cependant, la contamination se fait plutôt juste après l’accouchement par les gouttelettes ou par le contact manuporté du virus.  

DR MALLET : À votre connaissance, les femmes enceintes ne sont pas à risque d’infections plus grave par le COVID-19. 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement. Il faut être conscients cependant que les effectifs des séries que nous avons sont restreints.

Cependant, les données sont plutôt rassurantes pour les femmes enceintes. Avec tout de même une prudence au 3e trimestre, parce que le système immunitaire des femmes n’est plus le même, l’hémodynamique n’est plus la même. Quand l’abdomen devient plus volumineux, les coupoles diaphragmatiques sont montées donc elles sont un peu plus essoufflées de base donc une toux supplémentaire peut être moins supportée. 

En tout cas, à part cette précaution plus importante au 3ème trimestre, par analogie avec les autres infections respiratoires, il n’y a pas d’éléments inquiétants. 

DR MALLET : D’accord. Cette femme devait accoucher dans la clinique de son quartier. Mais avec la suspicion forte d’infection – sans contractions ni éléments inquiétants – peut-elle toujours y accoucher ? Comment dois-je organiser les choses ? 

DR OLIVIA ANSELEM : Cette patiente doit quand même être évaluée. D’autres diagnostics doivent être évoqués.

Pendant la grossesse, la cause de fièvre la plus fréquente est la pyélonéphrite. Nous n’allons pas forcément y penser si elle a une toux mais nous allons faire une bandelette urinaire pour éliminer ce diagnostic. 

Nous faisons très attention au diagnostic de listérioses, même si c’est très rare, car les conséquences peuvent être extrêmement graves pour le fœtus. 

Le troisième diagnostic différentiel est la chorioamniotite. Il y a en général des contractions associées chez une femme qui a eu un écoulement de liquide (rupture de la poche des eaux).

Même si l’infection par le COVID reste la plus probable compte tenu de l’épidémie actuelle et des signes de la patiente, il faut l’évaluer et donc la référer chez un obstétricien à la maternité pour qu’elle puisse être examinée. 

DR MALLET : Dans n’importe quelle maternité ? Toutes les cliniques ont-elles fait des systèmes de ségrégation pour éviter les contaminations ? 

DR OLIVIA ANSELEM : Les maternités se sont organisées pour pouvoir prendre en charge des femmes avec des suspicions de COVID-19 avant et pendant l’accouchement. 

Donc, il n’y a pas de circuit spécifique s’il y a une absence de signes nécessitant une prise en charge en réanimation.

Si la patiente ne semble pas relever de la réanimation, l’obstétricien de secteur peut tout à fait lancer une évaluation clinique afin d’éliminer les diagnostics différentiels et les signes de gravité.

Si toutefois il y a des signes de gravité respiratoire qui font penser que la patiente peut se dégrader rapidement et nécessiter une réanimation, alors il y a une indication à envisager un transfert in-utéro dans une structure qui pourra prendre en charge la maman sur le plan de la réanimation ainsi qu’une prise en charge de son nouveau-né dans le cas où une extraction doit être faite en urgence (en fonction de l’âge gestationnel).

Par ailleurs, si on est avant 32 semaines, elles doivent aller dans une maternité de niveau 3. Si on est après 32 semaines, elles peuvent aller dans un 2A, 2B. 

DR MALLET : En pratique je lui mets donc un masque si elle n’en a pas. Je l’envoie ensuite dans sa maternité si elle n’a pas de signe de gravité pour faire la bandelette urinaire, éliminer un autre diagnostic différentiel. Elle y sera examinée et nous pourrons ensuite la renvoyer chez elle et la surveiller.

Si je la trouve inquiétante, je l’envoie dans une maternité de niveau 3 par le SAMU. 

DR OLIVIA ANSELEM : Dans le cas de votre patiente à 33 semaines d’aménorrhées on ferait plutôt un niveau 2A ou 2B. En revanche, si nous avions une patiente dans la même situation mais avant 32 semaines, il faudrait vraiment qu’elle soit dans un niveau 3. 

Avec un transport médicalisé.  

DR MALLET : S’il y avait des signes de gravité respiratoires ou des contractions… 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement.

Message de fin

DR MALLET : Merci beaucoup. Voulez-vous insister sur un dernier message ? 

DR OLIVIA ANSELEM : La plupart des femmes qui vont avoir des signes respiratoires avec une fièvre au cours de leur grossesse peuvent être suivies à domicile. Elles vont avoir une forme simple et les choses vont rentrer rapidement dans l’ordre en quelques jours. 

Il est important d’assurer un suivi par téléphone pour vérifier qu’elles vont bien et surtout les rassurer car dans la grande majorité des cas il n’y aura pas de complications. 

Ensuite, une fois qu’elles auront dépassé les 14 jours de suivi que nous proposons, elles pourront reprendre le cours normal de leur grossesse sans surveillance particulière. 

DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage !

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

À l’ère du COVID-19, nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes et des messages clairs sur le coronavirus pour nos collègues de ville.  

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Docteur Olivia Anselem, gynécologue et obstétricienne à Cochin Port-Royal. 

DR MALLET : Docteur Anselem, pouvez-vous nous expliquer comment cela se passe dans votre centre et en quoi cette situation de crise exceptionnelle a modifié votre activité ?  

DR OLIVIA ANSELEM : Nous avons donc réorganisé une grande partie de la maternité pour faire face à l’afflux de patientes enceintes et suspectes d’être infectées par le COVID. Aux urgences, un circuit a été organisé pour identifier rapidement les patientes potentiellement infectées et 4 chambres permettent de placer ces patientes afin de les évaluer sur le plan général et obstétrical.

Pour faire face, nous avons augmenté le nombre de sages-femmes aux urgences. Nous avons mis en place une liste d’astreintes supplémentaires qui vient se surajouter aux effectifs de gardes habituelles, à la fois en obstétrique (médecins et internes) et en anesthésies, en sages-femmes, infirmières de blocs et infirmières anesthésistes. 

Dans le service, nous avons également 18 lits d’hospitalisation pour les grossesses à hauts risques ou les suites de couche dans des unités que nous avons identifiées COVID. Ces lits sont réservés pour des femmes infectées ou fortement suspectées de l’être, avec une équipe dédiée. Les personnels ont été formés : médecins, internes sages-femmes et infirmières, pour pouvoir être à l’aise avec l’habillage, le déshabillage et les mesures de protection ainsi que pour réaliser les prélèvements de ces patients. 

DR MALLET : Vous travaillez dans une maternité de niveau 3 et allez donc recevoir tous types de patientes.  Y a-t-il une ségrégation à l’accueil en fonction des symptômes ou tout le monde est testé à l’arrivée ? 

DR OLIVIA ANSELEM : À l’arrivée, les patientes sont interrogées pour savoir si elles ont des signes respiratoires ou de la fièvre, et la température est contrôlée à l’accueil des urgences. Cela permet de faire un tri assez rapide. Nous interrogeons également les femmes sur un contact potentiel à la maison. Si leur conjoint est malade, nous serons plus prudents. Si les femmes sont enceintes et suspectées d’infection alors elles vont être prélevées mais ce n’est pas le cas de toutes.

DR MALLET : D’accord. Il y a donc une ségrégation en fonction de la check list à l’arrivée. Si elles ont des signes, elles sont à mises à l’écart, testées, et en fonction des résultats du test, elles sont orientées dans tel ou tel secteur.

DR OLIVIA ANSELEM : Si elles n’ont aucun signe de gravité et des examens cliniques et obstétricaux rassurants, elles sont prélevées puis peuvent rentrer chez elles. Nous les rappelons alors quand nous avons le résultat quelques heures plus tard. Cela permet d’éviter un encombrement au niveau des urgences. 

DR MALLET : En effet, c’est un grand lieu de potentielle transmission. 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement.

Si elles sont positives sans signe de gravité, les consignes vont être de rester à domicile. Nous les appelons quotidiennement pour évaluer leur état clinique et vérifier qu’il n’y ait pas de complications au niveau obstétrical, pas davantage de contractions et qu’elles sentent bien leur bébé bouger. On poursuivra alors cette procédure pendant 14 jours après la date de début des symptômes.

Si nous les évaluons positives au COVID et pensons qu’elles nécessitent une surveillance plus poussée, à ce moment-là nous décidons de les hospitaliser dans une unité de grossesse à haut risque COVID+ où elles seront prises en charge par une équipe formée qui va vérifier la saturation et leur état respiratoire de façon quotidienne.

Si toutefois nous avions à prendre en charge une patiente qui présente d’emblée des signes de détresses respiratoires aiguës et qui nécessite alors davantage de soins comme une oxygénothérapie ou directement des soins de réanimation, nous l’envoyons immédiatement dans une unité spécifique. 

Dans le bâtiment Port-Royal, nous avons une unité de réanimation COVID+ qui permet d’accueillir des femmes non-enceintes.  Il y a aussi quelques lits identifiés pour des femmes dont le stade de grossesse est peu avancé. Si jamais une naissance prématurée doit avoir lieu, nous sommes à proximité d’une réanimation néo-natale qui peut prendre en charge un grand prématuré de moins de 32 semaines. 

DR MALLET : D’accord. Il y a donc une unité de réanimation pour mamans dans votre maternité de niveau 3. 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement. Nous avons quelques lits identifiés pour des femmes enceintes qui ont des signes de gravité relevant de la réanimation pour lesquelles nous pourrions nous poser la question d’une césarienne en urgence, pour permettre aux réanimateurs d’améliorer la ventilation de ces patientes. 

Et il y a une unité de réanimation néo-natale car nous sommes un niveau 3. Toutes ces unités sont réunies dans un même bâtiment. 

DR MALLET : C’est impressionnant. Voici maintenant la question d‘un médecin généraliste dans le 14e arrondissement de Paris.

Je vois une femme de 32 ans qui est à 33 semaines d’une troisième grossesse, qui a de la fièvre et qui tousse. Elle a des signes respiratoires, elle est fébrile. Je suis inquiet par ce contexte. Selon vous qui êtes en première ligne, les femmes enceintes sont-elles à risque d’infections graves par le COVID ? Son bébé est-il à risque ? 

DR OLIVIA ANSELEM : Les données que nous avons actuellement viennent surtout des études chinoises qui ont pris en charge plus de patients que nous. Elles montrent que l’état de grossesse n’augmente pas le risque de faire une forme grave. 

Néanmoins, nous restons prudents car notre expérience avec d’autres infections respiratoires comme la grippe montre que le 3ème trimestre est quand même une période de la grossesse où les femmes pourraient être plus à risque de faire une forme grave. Cela dit, ce n’est pas démontré pour le COVID-19, c’est donc plus de l’ordre de la précaution. 

Le plus souvent, nous sommes face à des femmes qui font une forme tout à fait bénigne de la maladie et qui vont guérir avec la même évolution que ce que nous observons dans la population générale, très favorablement donc.

Concernant le fœtus, comme c’est un virus respiratoire – comme ce que nous voyons pour la grippe – il y a très peu de virémies, voire pas du tout, et il n’y a pas de transmission materno-fœtale qui a été décrite. 

Les données que nous avons nous confirment progressivement le fait qu’il n’y a pas de possibilité de contaminer le fœtus in utéro. Nous n’avons pas de fœtopathies ou de malformations car ce n’est pas un virus qui serait tératogène. 

Nous pouvons donc rassurer les mamans sur la question de la transmission materno-fœtale car nous sommes aujourd’hui confiants sur le fait qu’elle n’existe pas. 

DR MALLET : Il n’y a donc pas de transmission materno-fœtale à votre connaissance. Je peux donc être extrêmement rassurant vis-à-vis du bébé de cette jeune future maman. 

DR OLIVIA ANSELEM : Il faut être prudents quand nous sommes à proximité de l’accouchement car quelques infections néo-natales ont été rapportée.  A priori cependant, la contamination se fait plutôt juste après l’accouchement par les gouttelettes ou par le contact manuporté du virus.  

DR MALLET : À votre connaissance, les femmes enceintes ne sont pas à risque d’infections plus grave par le COVID-19. 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement. Il faut être conscients cependant que les effectifs des séries que nous avons sont restreints.

Cependant, les données sont plutôt rassurantes pour les femmes enceintes. Avec tout de même une prudence au 3e trimestre, parce que le système immunitaire des femmes n’est plus le même, l’hémodynamique n’est plus la même. Quand l’abdomen devient plus volumineux, les coupoles diaphragmatiques sont montées donc elles sont un peu plus essoufflées de base donc une toux supplémentaire peut être moins supportée. 

En tout cas, à part cette précaution plus importante au 3ème trimestre, par analogie avec les autres infections respiratoires, il n’y a pas d’éléments inquiétants. 

DR MALLET : D’accord. Cette femme devait accoucher dans la clinique de son quartier. Mais avec la suspicion forte d’infection – sans contractions ni éléments inquiétants – peut-elle toujours y accoucher ? Comment dois-je organiser les choses ? 

DR OLIVIA ANSELEM : Cette patiente doit quand même être évaluée. D’autres diagnostics doivent être évoqués.

Pendant la grossesse, la cause de fièvre la plus fréquente est la pyélonéphrite. Nous n’allons pas forcément y penser si elle a une toux mais nous allons faire une bandelette urinaire pour éliminer ce diagnostic. 

Nous faisons très attention au diagnostic de listérioses, même si c’est très rare, car les conséquences peuvent être extrêmement graves pour le fœtus. 

Le troisième diagnostic différentiel est la chorioamniotite. Il y a en général des contractions associées chez une femme qui a eu un écoulement de liquide (rupture de la poche des eaux).

Même si l’infection par le COVID reste la plus probable compte tenu de l’épidémie actuelle et des signes de la patiente, il faut l’évaluer et donc la référer chez un obstétricien à la maternité pour qu’elle puisse être examinée. 

DR MALLET : Dans n’importe quelle maternité ? Toutes les cliniques ont-elles fait des systèmes de ségrégation pour éviter les contaminations ? 

DR OLIVIA ANSELEM : Les maternités se sont organisées pour pouvoir prendre en charge des femmes avec des suspicions de COVID-19 avant et pendant l’accouchement. 

Donc, il n’y a pas de circuit spécifique s’il y a une absence de signes nécessitant une prise en charge en réanimation.

Si la patiente ne semble pas relever de la réanimation, l’obstétricien de secteur peut tout à fait lancer une évaluation clinique afin d’éliminer les diagnostics différentiels et les signes de gravité.

Si toutefois il y a des signes de gravité respiratoire qui font penser que la patiente peut se dégrader rapidement et nécessiter une réanimation, alors il y a une indication à envisager un transfert in-utéro dans une structure qui pourra prendre en charge la maman sur le plan de la réanimation ainsi qu’une prise en charge de son nouveau-né dans le cas où une extraction doit être faite en urgence (en fonction de l’âge gestationnel).

Par ailleurs, si on est avant 32 semaines, elles doivent aller dans une maternité de niveau 3. Si on est après 32 semaines, elles peuvent aller dans un 2A, 2B. 

DR MALLET : En pratique je lui mets donc un masque si elle n’en a pas. Je l’envoie ensuite dans sa maternité si elle n’a pas de signe de gravité pour faire la bandelette urinaire, éliminer un autre diagnostic différentiel. Elle y sera examinée et nous pourrons ensuite la renvoyer chez elle et la surveiller.

Si je la trouve inquiétante, je l’envoie dans une maternité de niveau 3 par le SAMU. 

DR OLIVIA ANSELEM : Dans le cas de votre patiente à 33 semaines d’aménorrhées on ferait plutôt un niveau 2A ou 2B. En revanche, si nous avions une patiente dans la même situation mais avant 32 semaines, il faudrait vraiment qu’elle soit dans un niveau 3. 

Avec un transport médicalisé.  

DR MALLET : S’il y avait des signes de gravité respiratoires ou des contractions… 

DR OLIVIA ANSELEM : Exactement. 

DR MALLET : Merci beaucoup. Voulez-vous insister sur un dernier message ? 

DR OLIVIA ANSELEM : La plupart des femmes qui vont avoir des signes respiratoires avec une fièvre au cours de leur grossesse peuvent être suivies à domicile. Elles vont avoir une forme simple et les choses vont rentrer rapidement dans l’ordre en quelques jours. 

Il est important d’assurer un suivi par téléphone pour vérifier qu’elles vont bien et surtout les rassurer car dans la grande majorité des cas il n’y aura pas de complications. 

Ensuite, une fois qu’elles auront dépassé les 14 jours de suivi que nous proposons, elles pourront reprendre le cours normal de leur grossesse sans surveillance particulière. 

DR MALLET : Merci beaucoup. Nous vous souhaitons bon courage !

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