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Femme de 75 ans avec diabète et hypertension

INTRODUCTION

Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.

Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.

Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Benoît Doumenc, Chef du service des urgences de Cochin.

Retour d'expérience

Présentation du cas clinique

DR MALLET : Professeur Doumenc, voici la question d’un collègue généraliste qui travaille autour de Cochin.

Je suis appelé au chevet d’une femme de 75 ans connue pour avoir un diabète et une hypertension essentielle. Elle est seule à la maison, elle tousse et a de la fièvre depuis 48h. 

Que dois-je faire ? Dois-je la faire tester ? L’envoyer au service des urgences ?

Réponse et discussion

PR BENOIT DOUMENC : Tout d’abord, je vais vous parler de l’indication à tester les patients. Selon moi, cette patiente n’a pas d’indication à être testée pour la simple et bonne raison que tout patient ayant un syndrome grippal ou infectieux avec une atteinte respiratoire est aujourd’hui fortement suspect de COVID. 

Or, ce n’est pas parce que cette patiente est COVID+, qu’il faudra forcément l’envoyer à l’hôpital.

Dans notre pratique quotidienne, nous ne testons que les patients que nous estimons nécessaires de garder à l’hôpital. Nous les testons essentiellement afin de les orienter vers des secteurs adaptés. Pour ne pas « salir » des secteurs propres où des patients fragiles pourraient être co-infectés.

L’indication à la tester en ville n’est donc pas nécessaire.

Quelle attitude faut-il avoir ? Il faut raisonner comme face à n’importe quel patient avec de nombreuses comorbidités qui présenterait un épisode infectieux. En premier lieu, il faut évaluer la gravité clinique : les constantes hémodynamiques mais aussi et surtout la fréquence respiratoire.

Lorsque cette fréquence est élevée – dans les cas habituels elle est aux alentours de 16-18 – ce doit déjà être un critère d’alarme. Ensuite, la tolérance de cette fièvre doit être considérée :  dès qu’il y a le moindre signe d’intolérance, cette patiente doit être orientée vers une structure hospitalière.

Enfin, n’oublions pas les pathologies hors-COVID. Cette patiente peut aussi être atteinte d’un autre agent infectieux au moins aussi grave que cette infection.

DR MALLET : Même en l’absence de saturomètre, si cette personne a une fréquence respiratoire normale, elle doit rester chez elle.

PR BENOIT DOUMENC : Avec ce cas clinique, vous avez regroupé l’ensemble des difficultés et comorbidités qui ont été mises en évidence comme facteurs de mauvaise évolution.

Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de patients en service de réanimation sont certes des patients âgés, mais que les patients plus jeunes en réanimation avaient quelques comorbidités associées comme particulièrement le diabète, les pathologies coronariennes ou le surpoids – pas l’obésité morbide.

Dans votre cas, si cette patiente seule au domicile et diabétique n’a pas les capacités de rappeler en cas d’aggravation, il est tout à fait légitime de l’orienter vers une structure hospitalière – en tout cas pour l’instant – afin qu’elle puisse être clairement surveillée.

À vrai dire, il faut raisonner ici de la même façon que pour un épisode septique infectieux important chez une patiente isolée et fragile avec un fort risque d’aggravation et qui n’est pas en mesure de le prévenir.

DR MALLET : Si elle tolère bien sa toux et sa fièvre, comment dois-je la surveiller ?

PR BENOIT DOUMENC : Nous parlions tout à l’heure du saturomètre. Il est vrai que certains généralistes ou infirmiers libéraux en ont et c’est un bon élément de surveillance. 

En tout cas, il faut revoir cette patiente assez régulièrement : tous les jours ou tous les deux jours. Toutefois, il faut en même temps être conscients que nous risquons d’être submergés par le nombre de patients à voir autant à domicile qu’à l’hôpital durant cette épidémie. Dans le doute, reprenez au moins sa saturation et mesurez sa fréquence respiratoire.

Si vous ne pouvez pas vous déplacer, le contact téléphonique est aussi un bon élément. Au niveau hospitalier, nous avons créé la plateforme COVIDOM pour permettre aux médecins urgentistes ou infectiologues prenant en charge des patients suspects ou COVID+ au niveau du SAU, de les faire surveiller s’ils sont renvoyés à domicile. Ils reçoivent des appels réguliers avec des conseils.

Le téléphone est donc un élément prépondérant dans la surveillance des patients.

DR MALLET : Je récapitule. Si j’ai un doute parce que cette personne est à risque, je l’envoie aux urgences. Si vous la jugez non grave, elle rentrera chez elle et il y aura un système pour la surveiller.

PR BENOIT DOUMENC : Exactement. Nous pourrons mettre cela en place. C’est une procédure réalisable grâce à l’organisation des services d’urgence tant que nos services ne sont pas saturés.

Encore une fois, je me permets d’insister sur le fait qu’il ne faut pas envoyer un patient dans un SAU uniquement pour se rassurer. Je ne le dis pas de façon péjorative mais il faut vraiment l’envoyer sur des critères objectifs, par exemple si elle ne peut pas rester à domicile lorsque nous la voyons.

DR MALLET : Comment se fait le transfert ?

PR BENOIT DOUMENC : Le transfert se fait selon les vecteurs habituels : ambulance ou le 15. J’imagine que mes collègues médecins libéraux ont leur circuit pour avoir accès à des ambulances, sinon le 15 pourra peut-être déclencher la venue d’une ambulance classique.

De leur côté, les ambulanciers prendront les précautions nécessaires pour transférer la patiente vers les urgences.

En cas de gravité, il est indispensable de prendre contact avec le 15 pour discuter avec leur médecin régulateur. Il donnera son indication ou non pour l’envoi d’une UMH qui permettra de transférer le patient dans de bonnes conditions, soit vers un SAU, soit vers un service de réanimation.

Message de fin

DR MALLET : C’est très clair, merci beaucoup. Vous pouvez donc encore travailler pour l’instant ? Vous n’êtes pas face à en afflux massif ?

PR BENOIT DOUMENC : À Paris actuellement, nous notons dans les services d’urgence une très nette diminution de l’activité en nombre de passages quotidiens. Cela dit, depuis quelques jours, nous notons une progression lente mais significative du nombre de patients qui viennent consulter avec une forte suspicion de COVID.

Pour certains, nous les gardons aux urgences et leur nombre augmente de jour en jour. Dans notre région, nous sommes donc très clairement dans une phase ascensionnelle de l’épidémie au niveau des services d’accueil.

Dans les jours qui viennent, nous estimons une augmentation relativement importante de patients adressés dans les services hospitaliers qui vont donc passer par les urgences. Pourquoi ? D’abord parce que les SAMU, avec l’aide des médecins libéraux, ont fait un travail extraordinaire sur le maintien en domicile des patients.

Mais nous savons aujourd’hui que ces patients ont des risques d’aggravation entre J7 et J9 après le début des premiers symptômes. Nous pouvons donc penser que nous allons commencer à arriver dans ces périodes. 

Pourquoi ? Nous nous référons au retard d’environ une semaine que nous avons sur l’Italie et le Grand Est en termes de symptômes. A priori, ces patients retenus chez eux devraient être amenés à consulter au plus tard début de semaine prochaine chez nous.

DR MALLET : Et nous sommes aujourd’hui le 19 Mars. Nous nous souhaitons bon courage et merci beaucoup pour votre temps. À très bientôt.

Retranscription complète
Il n'y a pas encore de retranscription écrite pour cet épisode

Le 31 décembre 2019, la Chine signalait à l’OMS des cas de pneumonies chez des personnes s’étant rendu au marché de fruits de mer de Wuhan. Une semaine plus tard, les autorités sanitaires rapportaient une association entre ces cas de pneumonie et un coronavirus similaire au virus responsable du Sras qui avait sévi entre 2002 et 2003. Nous l’appelons aujourd’hui COVID-19 ou sars-cov 2.

Deux mois plus tard, le directeur général de l’OMS déclarait l’état de pandémie au COVID-19. Si l’infection par le COVID est plus souvent bénigne, elle peut progresser vers une insuffisance respiratoire aiguë, le plus souvent chez les personnes âgées ou souffrant de maladies chroniques.

Nous sommes dans une ère nouvelle et c’est pour cette raison que nous lançons Radio Cochin, des séquences courtes pour des soignants de ville : médecins, infirmières et infirmiers, pharmaciens, kinésithérapeutes.

Je suis Docteur Vincent Mallet, médecin à Cochin, Professeur des Universités de Paris et je m’entretiens avec le Professeur Benoît Doumenc, Chef du service des urgences de Cochin.

DR MALLET : Professeur Doumenc, voici la question d’un collègue généraliste qui travaille autour de Cochin.

Je suis appelé au chevet d’une femme de 75 ans connue pour avoir un diabète et une hypertension essentielle. Elle est seule à la maison, elle tousse et a de la fièvre depuis 48h. 

Que dois-je faire ? Dois-je la faire tester ? L’envoyer au service des urgences ?

PR BENOIT DOUMENC : Tout d’abord, je vais vous parler de l’indication à tester les patients. Selon moi, cette patiente n’a pas d’indication à être testée pour la simple et bonne raison que tout patient ayant un syndrome grippal ou infectieux avec une atteinte respiratoire est aujourd’hui fortement suspect de COVID. 

Or, ce n’est pas parce que cette patiente est COVID+, qu’il faudra forcément l’envoyer à l’hôpital.

Dans notre pratique quotidienne, nous ne testons que les patients que nous estimons nécessaires de garder à l’hôpital. Nous les testons essentiellement afin de les orienter vers des secteurs adaptés. Pour ne pas « salir » des secteurs propres où des patients fragiles pourraient être co-infectés.

L’indication à la tester en ville n’est donc pas nécessaire.

Quelle attitude faut-il avoir ? Il faut raisonner comme face à n’importe quel patient avec de nombreuses comorbidités qui présenterait un épisode infectieux. En premier lieu, il faut évaluer la gravité clinique : les constantes hémodynamiques mais aussi et surtout la fréquence respiratoire.

Lorsque cette fréquence est élevée – dans les cas habituels elle est aux alentours de 16-18 – ce doit déjà être un critère d’alarme. Ensuite, la tolérance de cette fièvre doit être considérée :  dès qu’il y a le moindre signe d’intolérance, cette patiente doit être orientée vers une structure hospitalière.

Enfin, n’oublions pas les pathologies hors-COVID. Cette patiente peut aussi être atteinte d’un autre agent infectieux au moins aussi grave que cette infection.

DR MALLET : Même en l’absence de saturomètre, si cette personne a une fréquence respiratoire normale, elle doit rester chez elle.

PR BENOIT DOUMENC : Avec ce cas clinique, vous avez regroupé l’ensemble des difficultés et comorbidités qui ont été mises en évidence comme facteurs de mauvaise évolution.

Nous nous sommes rendu compte que beaucoup de patients en service de réanimation sont certes des patients âgés, mais que les patients plus jeunes en réanimation avaient quelques comorbidités associées comme particulièrement le diabète, les pathologies coronariennes ou le surpoids – pas l’obésité morbide.

Dans votre cas, si cette patiente seule au domicile et diabétique n’a pas les capacités de rappeler en cas d’aggravation, il est tout à fait légitime de l’orienter vers une structure hospitalière – en tout cas pour l’instant – afin qu’elle puisse être clairement surveillée.

À vrai dire, il faut raisonner ici de la même façon que pour un épisode septique infectieux important chez une patiente isolée et fragile avec un fort risque d’aggravation et qui n’est pas en mesure de le prévenir.

DR MALLET : Si elle tolère bien sa toux et sa fièvre, comment dois-je la surveiller ?

PR BENOIT DOUMENC : Nous parlions tout à l’heure du saturomètre. Il est vrai que certains généralistes ou infirmiers libéraux en ont et c’est un bon élément de surveillance. 

En tout cas, il faut revoir cette patiente assez régulièrement : tous les jours ou tous les deux jours. Toutefois, il faut en même temps être conscients que nous risquons d’être submergés par le nombre de patients à voir autant à domicile qu’à l’hôpital durant cette épidémie. Dans le doute, reprenez au moins sa saturation et mesurez sa fréquence respiratoire.

Si vous ne pouvez pas vous déplacer, le contact téléphonique est aussi un bon élément. Au niveau hospitalier, nous avons créé la plateforme COVIDOM pour permettre aux médecins urgentistes ou infectiologues prenant en charge des patients suspects ou COVID+ au niveau du SAU, de les faire surveiller s’ils sont renvoyés à domicile. Ils reçoivent des appels réguliers avec des conseils.

Le téléphone est donc un élément prépondérant dans la surveillance des patients.

DR MALLET : Je récapitule. Si j’ai un doute parce que cette personne est à risque, je l’envoie aux urgences. Si vous la jugez non grave, elle rentrera chez elle et il y aura un système pour la surveiller.

PR BENOIT DOUMENC : Exactement. Nous pourrons mettre cela en place. C’est une procédure réalisable grâce à l’organisation des services d’urgence tant que nos services ne sont pas saturés.

Encore une fois, je me permets d’insister sur le fait qu’il ne faut pas envoyer un patient dans un SAU uniquement pour se rassurer. Je ne le dis pas de façon péjorative mais il faut vraiment l’envoyer sur des critères objectifs, par exemple si elle ne peut pas rester à domicile lorsque nous la voyons.

DR MALLET : Comment se fait le transfert ?

PR BENOIT DOUMENC : Le transfert se fait selon les vecteurs habituels : ambulance ou le 15. J’imagine que mes collègues médecins libéraux ont leur circuit pour avoir accès à des ambulances, sinon le 15 pourra peut-être déclencher la venue d’une ambulance classique.

De leur côté, les ambulanciers prendront les précautions nécessaires pour transférer la patiente vers les urgences.

En cas de gravité, il est indispensable de prendre contact avec le 15 pour discuter avec leur médecin régulateur. Il donnera son indication ou non pour l’envoi d’une UMH qui permettra de transférer le patient dans de bonnes conditions, soit vers un SAU, soit vers un service de réanimation.

DR MALLET : C’est très clair, merci beaucoup. Vous pouvez donc encore travailler pour l’instant ? Vous n’êtes pas face à en afflux massif ?

PR BENOIT DOUMENC : À Paris actuellement, nous notons dans les services d’urgence une très nette diminution de l’activité en nombre de passages quotidiens. Cela dit, depuis quelques jours, nous notons une progression lente mais significative du nombre de patients qui viennent consulter avec une forte suspicion de COVID.

Pour certains, nous les gardons aux urgences et leur nombre augmente de jour en jour. Dans notre région, nous sommes donc très clairement dans une phase ascensionnelle de l’épidémie au niveau des services d’accueil.

Dans les jours qui viennent, nous estimons une augmentation relativement importante de patients adressés dans les services hospitaliers qui vont donc passer par les urgences. Pourquoi ? D’abord parce que les SAMU, avec l’aide des médecins libéraux, ont fait un travail extraordinaire sur le maintien en domicile des patients.

Mais nous savons aujourd’hui que ces patients ont des risques d’aggravation entre J7 et J9 après le début des premiers symptômes. Nous pouvons donc penser que nous allons commencer à arriver dans ces périodes. 

Pourquoi ? Nous nous référons au retard d’environ une semaine que nous avons sur l’Italie et le Grand Est en termes de symptômes. A priori, ces patients retenus chez eux devraient être amenés à consulter au plus tard début de semaine prochaine chez nous.

DR MALLET : Et nous sommes aujourd’hui le 19 Mars. Nous nous souhaitons bon courage et merci beaucoup pour votre temps. À très bientôt.

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